Les circonstances autorisant le licenciement au retour du congé maternité

Si le principe est l’interdiction de licencier une salariée enceinte ou qui vient d’avoir une
enfant, ce régime protecteur spécifique réserve à des situations bien précises la
possibilité de rompre le contrat de travail d’une salariée au retour du congé maternité.
L’employeur devra ainsi se montrer particulièrement vigilant.

 

Quelle est l’étendue de la période de protection ?

 

Le point de départ de la protection est le moment où l’employeur a connaissance de
l’état de grossesse de la salariée. Ainsi, dès que la grossesse est médicalement
constatée, la salariée bénéficie d’une “protection relative”, suivie d’une période de
“protection absolue” qui couvre l’intégralité des périodes de suspension du contrat de
travail auxquelles elle a droit, puis une nouvelle période de « protection relative »
s’étend sur 10 semaines à l’expiration de ces périodes.

 

Pendant la période de protection dite absolue, le licenciement ne peut ni être notifié ni
produire d’effet. De même, les actes préparatoires sont strictement prohibés. A titre
d’exemple, le licenciement prononcé à l’égard d’une salariée à son retour de congé
maternité a été considéré comme nul puisqu’il a été démontré qu’un salarié avait été
embauché pendant son absence pour pourvoir à son remplacement définitif (arrêt du
15 septembre 2010) (1). L’employeur doit donc attendre la fin du congé de maternité.

 

En revanche, l’employeur est en droit de réunir, au fur et à mesure qu’ils sont portés à
sa connaissance, les éléments relatifs à des dysfonctionnements.

 

Au terme du congé de maternité, la salariée entre dans une période de protection
relative, le licenciement ne peut alors être prononcé par l’employeur que dans deux cas
très limités.

 

Dans cette période de protection relative, le licenciement n’est en effet possible qu’en
cas de faute grave de la salariée ou en cas d’impossibilité de maintenir le contrat pour
un motif étranger à la grossesse. Il est important pour l’employeur de s’assurer que la
faute grave ou l’impossibilité de maintenir le contrat résulte de circonstances
indépendantes à l’état de grossesse de la salariée (article L.1225-4 du code du travail) (2).

 

Dans l’hypothèse d’un motif économique, celui-ci doit être réellement établi par
l’employeur, ainsi lorsqu’il rédigera la lettre de licenciement, il devra préciser les
raisons qui justifient l’impossibilité de maintenir le contrat de la salariée (arrêt du 24
octobre 2000)(3).

 

Il est important de noter que la Cour de Justice de l’Union Européenne a une position
moins sévère puisqu’elle considère que l’employeur a juste l’obligation d’indiquer les
motifs justifiant le licenciement économique collectif et d’indiquer à la salariée les
critères retenus pour l’ordre des licenciement (CJUE 22 février 2018, aff. C-103/16).

 

La période de protection absolue peut-elle être prolongée ?

 

La salariée est autorisée à prolonger son congé maternité en posant des congés,
retardant ainsi l’application de la période de protection relative (article L.1225-4 alinéa
1 du code du travail).

 

De même, si à l’issue du congé maternité la salariée est immédiatement arrêtée pour
raisons pathologiques des suites de son accouchement, la fin de la protection absolue
est reportée (arrêt du 16 novembre 2011) (4).

 

En revanche, cette protection absolue ne s’étend pas à l’arrêt de travail pour maladie,
comme l’a clairement exprimé la Cour de cassation dans un arrêt récent du 1er
décembre 2021. L’employeur peut, par conséquent, engager des mesures préparatoires
au licenciement ou notifier à la salariée son licenciement en cas de faute grave ou
impossibilité de maintenir le contrat de travail pendant cette période de protection
relative.

 

Il en va de même si la salariée a été placée en dispense d’activité rémunérée à son
retour dans l’entreprise (arrêt du 14 septembre 2016)(5) ou si elle bénéficie de congés
rémunérés supplémentaires en application de dispositions conventionnelles (arrêt du 14
décembre 2016)(6).

Quels sont les risques encourus par l’employeur qui ne respecte pas cette protection ?

 

En cas de manquement de l’employeur à ces règles, le licenciement sera considéré
comme discriminatoire. Il existe donc un risque de sanctions pénales et de demande de
versement de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

 

Devant la juridiction prud’homale, la salariée pourra demander la nullité du
licenciement et sa réintégration dans l’entreprise accompagné du paiement d’une
indemnité correspondant aux salaires qu’elle aurait perçus au cours de la période qui
s’est écoulée entre son licenciement et sa réintégration.

 

Si elle renonce à cette réintégration, la salariée pourra alors prétendre au versement de
l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement, l’ indemnité compensatrice de
préavis (même si elle n’est pas en mesure de l’effectuer), l’indemnité compensatrice de
congés payés calculée sur toute la période travaillée de l’année de référence mais
également sur toute la période couverte par la nullité, ainsi qu’une indemnité réparant
le préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à six mois
de salaires et enfin le paiement des salaires qui auraient été perçus entre le
licenciement et la fin de la période de protection.

 

Les conséquences pénales et financières sont ainsi très importantes.

 

Les précisions récentes apportées par la Cour de cassation sur les modalités
d’application de la protection accordée à la salariée à l’issue de son congé de maternité
apportent donc des clarifications nécessaires à la gestion délicate des périodes de
protection de la salariée au retour de congé maternité.

 

(1) https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000022826924/

(2) https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000033022614/

(3) https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007041707

(4) https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000024821998

(5) https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000033125153/

(6) https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000033631389/

 

Par AGIL’IT – Pôle Droit Social

Sandrine Henrion, Avocate Associée