Mathieu Siraga, associé co-animant l’équipe private equity & M&A, vous fait part de son expertise et de son point de vue concernant le corporate venture et ses enjeux, à la fois en droit des sociétés et en droit fiscal.
Le financement de l’innovation est l’un des enjeux majeurs des prochaines années pour le développement, la croissance et la compétitivité des PME innovantes françaises et européennes.
Quelles sources de financement pour les PME innovantes ?
Aujourd’hui, les sources de financement des PME peuvent schématiquement être classées en quatre catégories :
- Les financements bancaires classiques (prêt, affacturage etc.), lesquels s’avèrent le plus souvent insuffisants et difficiles d’accès pour les PME innovantes ;
- Les financements publics (fonds propres, aides, subventions et garanties), principalement sponsorisés et/ou initiés par BpiFrance, mais n’intervenant généralement qu’en soutien ou en complément des financements privés ;
- Les investisseurs financiers (fonds d’investissement spécialisés, business angels et autres family offices), qui se montrent plutôt attentistes au regard des faibles performances générées en France par l’amorçage et le capital-risque dédiés aux PME innovantes et préfèrent se concentrer sur le capital développement.
- Les investisseurs industriels (corporate venture), à nouveau actifs depuis quelques années malgré les échecs passés lors de l’éclatement de la bulle
A ces acteurs historiques, nous pouvons désormais rattacher l’embryonnaire et prometteur financement participatif (crowdinvesting) pour lequel les PME innovantes peuvent nourrir le vrai espoir de voir naître une nouvelle source de financement adaptée à leur profil risqué.
Le Corporate Venturing en France
Il est toutefois important de rappeler que le corporate venturing en France n’est aujourd’hui le fait que de quelques grands groupes[1] qui investissent directement[2] ou indirectement via des structures dédiées[3] ou mutualisées[4], indépendantes ou contrôlées.
Le structuring de leurs investissements résulte principalement de leurs motivations, de la maturité de leurs réflexions et de leurs expériences en matière de corporate venture[5].
Ainsi, quelques rares groupes voient dans le venture une solution d’investissement purement financière à l’instar des LPs. La majorité, en revanche, fait le choix de renforcer ses ressources de R&D en finançant des projets innovants dont les technologies complètent leurs propres solutions. D’autres, enfin, y voient une stratégie ouverte de développement à terme.
A la différence des VC classiques, les corporate lient leurs investissements à leur propre stratégie, qu’il s’agisse d’une stratégie de veille technologique, d’accompagnement de PME innovantes s’inscrivant dans leur sphère d’intervention, ou, tout simplement, de croissance et de développement de leur groupe, étant toutefois précisé que cette dernière motivation est souvent officiellement écartée car elle pourrait avoir pour conséquence le rejet du management des PME innovantes.
Enfin, il est également important de rappeler que le corporate venture ne représente à l’heure actuelle en France que 5 % à 10% du financement des PME contre 16 % aux Etats-Unis[6], ce qui laisse espérer une poche considérable de nouveaux financements.
L’espoir est d’autant plus grand que le gouvernement précédent a affiché en son temps sa volonté de favoriser la croissance du corporate venture de 30 % (soit près de 600 M€/an)[7].
Les conditions de l’incitation fiscale en faveur des corporate ventures
Le législateur[8] est venu concrétiser la déclaration d’intention du ministère de l’économie en instaurant les bases d’une incitation fiscale en faveur des corporate ventures.
Ainsi, les entreprises assujetties à l’impôt sur les sociétés souscrivant directement ou indirectement[9] au capital de PME innovantes pourront amortir sur 5 ans leurs souscriptions.
Bien évidemment, cette incitation fiscale s’accompagne de conditions, à savoir :
- La bénéficiaire de la souscription doit remplir tous les critères de la PME communautaire[10] ;
- La bénéficiaire de la souscription doit être « innovante »[11] ;
- La souscription devra être réalisée au profit de bénéficiaires ayant leur siège dans l’un des Etats membres de l’Union Européenne ou Etat partie à l’accord sur l’Espace Economique Européen ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscale ;
- La souscription ne pourra excéder 1 % du total de l’actif du souscripteur qui s’appréciera à la date de clôture de l’exercice au cours duquel la souscription est intervenue ;
- La souscription directe ou indirecte devra être inférieure ou égale à 20 % du capital ou des droits de vote de la PME innovante et ce pourcentage ne devra pas être dépassé au cours de la période d’amortissement ;
- Le souscripteur ne pourra céder tout ou partie de sa participation directe ou indirecte dans les 2 ans de son acquisition.
Le Corporate Venture demain : quels enjeux ?
Les questions qui se posent désormais et auxquelles les prochaines années apporteront leur lot de réponses, de satisfactions ou d’insatisfactions sont à notre sens :
- La nouvelle appétence des grands groupes, principaux acteurs du corporate venture, pour le financement des PME innovantes ;
- L’intérêt stratégique des entreprises françaises (principalement les ETI au regard des contraintes ci-dessus exposées) pour participer également à ce financement alternatif de PME innovantes entrant dans leur périmètre de technologie ;
- La capacité des sociétés de gestion à mobiliser ce financement alternatif et la création par ces dernières, de fonds dédiés ou mutualisés pour les corporate quelles que soient leurs tailles et leurs motivations.
A toutes ces questions et à toutes celles qui surgiraient sur le sujet du corporate venture, le cabinet tentera d’apporter sa contribution.
Ses équipes de spécialistes auront à cœur de concevoir des solutions adaptées aux différents acteurs impliqués, qu’il s’agisse des PME innovantes (pour les accompagner dans leurs levées de fonds), des fonds de corporate venture (pour leurs prises de participations), ou encore des sociétés de gestion (pour la création de fonds dédiés ou mutualisés).
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par AGIL’IT – Réglementation Financière – Marché des Capitaux
Mathieu Siraga, avocat associé
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Références :
[1] 23 identifiés en 2012/2013 (18 français et 5 étrangers)
[2] A titre d’exemple : Dassault Systèmes investit directement et se concentre sur des éditeurs de logiciels
[3] A titre d’exemple : Total Energy Ventures est une structure dédiée du groupe Total rattachée à la direction développement et se concentrant sur des dossiers liés aux technologies de l’énergie
[4] A titre d’exemple : la SNCF, Total et Orange ont créé « Ecomobilité Venture », véhicule dont ils ont confié la gestion à un tiers et qui se concentre sur des dossiers proposant des solutions de mobilité innovantes
[5] Cf. interview de François Badoual (DG Total Energy Venture) – Capital Finance n°1137
[6] Source : AFIC (association française des investisseurs pour la croissance)
[7] Dossier de Presse Bercy du 5 novembre 2013
[8] Loi de finances rectificative n°2013-1279 du 29 décembre 2013
[9] La souscription pourra être réalisée via des FCPR, FPCI ou SCR
[10] Règlement CE n°800/2008 de la commission du 6 août 2008
[11] 1° ou 2° de l’article L.214-30 du code monétaire et financier