Prospection commerciale : un rappel opportun des règles à respecter !

Constitue une prospection directe l’envoi de tout message destiné à promouvoir, directement ou indirectement, des biens, des services ou l’image d’une personne vendant des biens ou fournissant des services. Les appels et messages ayant pour objet d’inciter une personne à appeler un numéro surtaxé ou à envoyer un message textuel surtaxé relèvent également de la prospection directe (cf. article L.34-5 du Code des postes et des communications électroniques).

Tel est par exemple le cas du démarchage téléphonique, de l’envoi de newsletters d’actualités ou encore d’offres promotionnelles à un client, prospect, ou plus généralement contact, de l’envoi d’invitations à un événement ou encore de l’envoi d’une plaquette de présentation,…

Une proposition de loi relative à la prospection par téléphone étant actuellement en cours d’examen par les parlementaires français, et des discussions étant également en cours au niveau européen à ce sujet, il nous est apparu opportun de revenir sur les principes en vigueur afférents à la réalisation d’opérations de prospection au regard de la réglementation applicables !

 

La prospection par courrier électronique, fax ou système automatisé de communications électroniques : un principe d’opt-in

Au titre de l’article L.34-5 du Code des postes et des communications électroniques, la prospection directe au moyen de courriers électroniques (email, SMS, MMS,…), d’un télécopieur ou d’un système automatisé de communications électroniques (par exemple, un automate d’appels) est soumise au recueil du consentement préalable de la personne concernée destinataire de telles sollicitations (cf. régime dit de “l’opt-in”). Ce consentement ne peut être valable que s’il répond à la définition donnée par le RGPD, à savoir une manifestation de volonté libre, spécifique, éclairé et univoque (ex: case à cocher non pré-cochée permettant de recueillir le consentement par un acte positif clair).

Il existe toutefois deux exceptions, qui doivent être interprétées strictement, pour lesquelles le recueil du consentement préalable pour adresser des courriers électroniques de prospection n’est pas requis :

Exception 1 (exception dite des « produits et services analogues ») : la prospection directe par courrier électronique est autorisée, sans recueil préalable de consentement, lorsque les conditions suivantes sont cumulativement réunies :

  •  les coordonnées de la personne concernée ont été recueillies directement auprès d’elle, à l’occasion d’une vente ou d’une prestation de services ;
  • la prospection directe concerne des produits ou services analogues fournis par la même personne physique ou morale que celle à l’origine de la collecte des données ;
  • le destinataire se voit offrir, de manière expresse et dénuée d’ambiguïté, la possibilité de s’opposer, sans frais, hormis ceux liés à la transmission du refus, et de manière simple, à l’utilisation de ses coordonnées lorsque celles-ci sont recueillies et chaque fois qu’un courrier électronique de prospection lui est adressé.

Exception 2 (exception dite « B to B ») : la Cnil a élaboré une exception doctrinale aux termes de laquelle la prospection directe par courrier électronique entre professionnels (B to B) est autorisée, sans recueil préalable de consentement, à condition que la sollicitation soit adressée sur une adresse de courrier électronique professionnelle et que l’objet de la sollicitation soit en rapport avec la profession de la personne sollicitée (par exemple : message présentant les mérites d’un logiciel à l’attention de paul.toto@nomdelasociété.fr, directeur informatique).

Attention : ces exceptions ne concernent que la prospection par courrier électronique, et non par télécopie ou système automatisé de communications électroniques.

 

La prospection par téléphone ou par courrier postal : le régime de l’opt-out

S’agissant de la prospection par téléphone ou par courrier postal, le régime est différent de celui présenté ci-dessus.

En effet, pour toute prospection par téléphone ou par courrier postal :

  • le consentement préalable n’est pas requis ;
  • mais la personne doit en principe (i) avoir été informée de ce traitement et avoir été mise en mesure d’exercer son droit d’opposition à la prospection (par exemple, au moyen d’une case à cocher permettant à la personne concernée de s’opposer à une telle utilisation de leurs données par le responsable du traitement) et (ii) ne pas avoir fait usage de ce droit d’opposition bien entendu (cf. régime dit de “l’opt-out”).

Le non-respect par une société de son obligation d’informer les personnes concernées et de tenir compte de leur droit d’opposition à la prospection téléphonique a d’ailleurs été récemment sévèrement sanctionné par la Cnil (cf. notre précédent article sur ce sujet).

En outre, la prospection téléphonique doit, lorsqu’elle est à l’attention de consommateurs, respecter certaines dispositions spécifiques applicables en droit de la consommation (par exemple, obligation d’informer le consommateur de son droit à s’inscrire sur la liste nationale d’opposition au démarchage, i.e. BLOCTEL, interdiction de réaliser des opérations de télémarketing à l’attention d’une personne inscrite sur cette liste sauf relations contractuelles préexistantes, interdiction pour le professionnel de contacter le consommateur en utilisant un numéro masqué,…).

Toutefois, ce régime applicable à la prospection par téléphone fait l’objet de débats, aussi bien au niveau français qu’au niveau européen.

 

Vers une remise en cause de la logique de l’opt-out pour le démarchage téléphonique ?

Une proposition de loi visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux, qui avait été déposée le 3 octobre 2018, a fait récemment l’objet de nombreux amendements aux termes desquels était notamment proposé, en raison du caractère pouvant être ressenti comme particulièrement intrusif de ce mode de communication, d’interdire purement et simplement un tel mode de prospection ou encore d’imposer que soit recueilli préalablement le consentement des personnes concernées.

Toutefois, dans sa version adoptée en deuxième lecture par l’Assemblée nationale le 30 janvier dernier, ces amendements ont été rejetés et la proposition de loi précitée ne remet donc pas en cause, à date, le principe du régime de l’opt-out susvisé s’agissant de la prospection téléphonique, étant toutefois précisé qu’en l’état cette proposition de loi prévoit tout de même notamment (i) l’interdiction de la prospection commerciale téléphonique pour la vente d’équipements ou de travaux destinés à des logements et permettant la réalisation d’économies d’énergie ou la production d’énergies renouvelables et (ii) des mesures visant à renforcer l’encadrement des opérations de prospection par téléphone (par exemple, en prévoyant que celles-ci ne pourront être autorisées que certains jours et à certaines heures).

Le texte de cette proposition de loi doit désormais être discuté en séance publique par le Sénat en deuxième lecture.

En outre, la proposition de Règlement concernant le respect de la vie privée et la protection des données à caractère personnel dans les communications électroniques (cf. règlement “vie privée et communications électroniques” ou “E-privacy”) qui est en cours de discussion prévoit également des dispositions applicables au démarchage téléphonique. Toutefois, dans sa version en date du 6 mars 2020, il est envisagé que les Etats membres peuvent autoriser la prospection téléphonique avec intervention humaine tant que la personne concernée n’a pas exprimé son opposition à recevoir de telles communications, ce qui ne remet donc a priori pas en cause le mécanisme prévu en droit français de “l’opt-out” s’agissant de la prospection par téléphone.

 

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Aussi, si les principes applicables en droit français en matière de prospection ne semblent pas être remis en cause par les textes, tant français qu’européens, en cours de discussion, ils font toutefois l’objet de débats, notamment aux fins de protection des intérêts des consommateurs. Il convient de garder à l’esprit qu’il est nécessaire de suivre avec attention l’actualité législative et réglementaire en la matière, et ce d’autant que la réalisation d’opérations de prospection est une activité particulièrement stratégique pour nombre d’entreprises.

 

AGIL’IT ne manquera pas bien entendu pas de vous tenir informés des évolutions en la matière et se tient à votre disposition pour vous accompagner dans le cadre de la mise et/ou du maintien en conformité de vos pratiques de démarchage téléphonique au regard de la réglementation applicable. 

 

 

Par AGIL’ITPôle IT, Télécoms & Data protection

Laure LANDES-GRONOWSKI, Avocate associée

Marie MILIOTIS, Avocate