Dans le cadre des franchises, il est fréquent que l’aménagement intérieur du magasin soit imposé aux franchisés. La protection de cet aménagement peut se faire par un dépôt de marque ou un dépôt de dessins et modèles mais le droit d’auteur est sans doute le droit le plus approprié.
La question de la protection par le droit d’auteur a été posée dans le cadre de deux contentieux portant sur l’aménagement intérieur d’un même salon de coiffure, objet d’un contrat de franchise. Dans les deux décisions, rendues les 24 septembre 2014 et 5 mars 2020, la Cour d’appel de Douai a reconnu le principe de protection de cet aménagement : « l’aménagement type d’un salon de coiffure peut être protégé au titre des droits d’auteur à la double condition que cette création soit formalisée, à la différence d’une simple idée ou d’un concept, et qu’elle soit originale, en ce qu’elle traduise l’empreinte de la personnalité de son auteur. »
Cependant, l’originalité a été reconnue dans la première décision mais pas dans la seconde. Il ne faut pourtant pas y voir un revirement de jurisprudence mais une conséquence des évolutions du demandeur dans la définition de la protection recherchée. Il appartient en effet à celui qui revendique un droit d’auteur de déterminer les éléments caractéristiques qui seraient originaux et sur lesquels pourrait porter la protection (TGI Paris, 21 septembre 2017: ” il appartient à celui qui se prévaut d’un droit d’auteur dont l’existence est contestée de définir et d’expliciter les contours de l’originalité qu’il allègue. En effet, seul l’auteur, dont le juge ne peut suppléer la carence, est en mesure d’identifier les éléments traduisant sa personnalité et qui justifient son monopole et le principe de la contradiction posé par l’article 16 du code de procédure civile commande que le défendeur puisse connaître précisément les caractéristiques qui fondent l’atteinte qui lui est imputée et apporter la preuve qui lui incombe de l’absence d’originalité”).
Ainsi, la définition de l’originalité de son œuvre par l’auteur peut varier selon les contentieux, souvent à des fins stratégiques pour se rapprocher de la contrefaçon alléguée.
Cela était le cas dans ces deux procédures.
Dans la première affaire, la société poursuivie était un ancien franchisé qui n’avait modifié ni l’aménagement du salon ni le mobilier à la fin du contrat de franchise. Le franchiseur revendiquait donc un droit d’auteur sur un aménagement très détaillé, rappelé dans l’arrêt, pour chaque espace du salon. A ces éléments caractéristiques de l’aménagement, « sont associées, selon les prescriptions du franchiseur, les ‘formes douces’ du logo, reproduit en petites touches sur tous les éléments, la couleur rouge qui constitue la couleur caractéristique de la marque et se retrouve sur tous les accessoires (brosses, sèche-cheveux, stylers etc…). ». Au vu de cette description complète de « l’œuvre » revendiquée, la Cour d’appel de Douai avait considéré, en 2014, que l’aménagement était protégeable par le droit d’auteur car « ces éléments traduisent un travail de création et un parti pris esthétique de l’auteur qui n’est pas dicté par des contraintes fonctionnelles et donne au ‘salon Shampoo’ une physionomie propre, différente des enseignes concurrentes et protégeable au titre du droit d’auteur ».
Dans la seconde affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 5 mars 2020, le franchiseur a modifié la description de l’aménagement sur lequel il revendiquait un droit d’auteur. La société poursuivie en contrefaçon n’était a priori pas un ancien franchisé de sorte que la contrefaçon était sans doute moins évidente. En particulier, le franchiseur ne revendiquait plus la couleur rouge qui avait pourtant été retenue comme un élément caractéristique en 2014. En 2020, la Cour d’appel relève ce changement : « la société Lafayette Coiffure soutient aux termes de ses conclusions (page 18) que les droits d’auteur revendiqués s’attachent seulement à l’aménagement intérieur des salons et non à une couleur. Alors même que tout aménagement intérieur doit être conçu dans sa globalité, incluant le choix des meubles, en ce compris leur forme, couleur et matériaux, et la disposition de ces derniers dans l’espace, la société Lafayette Coiffure restreint le droit d’auteur qu’elle revendique du fait de l’aménagement intérieur en excluant la couleur rouge de son mobilier, omniprésente dans toutes les pièces qu’elle produit ». En réalité, le franchiseur n’essayait pas de restreindre la portée de son droit d’auteur mais plutôt de l’étendre pour qu’il puisse s’appliquer indépendamment de la couleur rouge.
La Cour d’appel de Douai en conclut que le franchiseur ne peut pas revendiquer de droit d’auteur dans ces conditions car « la seule disposition des fauteuils dans l’espace sous forme d’une courbe ne saurait suffire à conférer à l’aménagement intérieur des salons « Shampoo by Michel D. » son originalité ».
En conclusion, l’aménagement de l’intérieur d’un magasin est bien protégeable par le droit d’auteur mais la protection recherchée doit faire l’objet d’une description complète et loyale sans éviter des éléments caractéristiques dans le but de faciliter la preuve de la contrefaçon.
Jérôme TASSI