Quelques points d’attention pour mener à bien un projet de conception de site internet !

Deux décisions de justice récentes viennent rappeler aux prestataires informatiques et à leurs clients quelques points d’attention à ne pas négliger, en particulier en cas de difficultés qui interviendraient dans le cadre de la réalisation de sites internet.

 

L’opportunité de sécuriser les modalités de réception d’un site internet

Par un jugement en date du 16 novembre 2020, le tribunal de commerce d’Aix-en-Provence a considéré qu’un client qui n’a pas formulé par écrit de réclamations suite à la livraison par ses prestataires informatiques d’un site internet et de fichiers qu’il avait commandés est considéré comme ayant réceptionné tacitement ces éléments, ce dont il résulte qu’il doit régler l’intégralité des factures dues au titre de la fourniture de telles prestations et qu’il ne peut obtenir la résolution judiciaire des contrats conclus avec les prestataires auquel il a eu recours pour la fourniture de ces prestations.

Ce qu’il faut en retenir : l’absence de réclamation suite à la livraison des éléments commandés peut être interprétée par un magistrat comme (i) un indice permettant de considérer que les éléments ont bien été livrés et (ii) une réception tacite des éléments ainsi livrés par le prestataire. Aussi, le client doit faire preuve de réactivité en cas de difficultés affectant la fourniture des prestations et avertir sans délai et par écrit son prestataire informatique s’agissant des non-conformités, dysfonctionnements, anomalies,… qu’il constaterait le cas échéant au cours de l’exécution du contrat, étant précisé qu’un encadrement contractuel des modalités de réception est recommandé pour éviter toute incertitude à ce sujet.

 

La nécessité de procéder à un constat du site internet en temps utiles

Par un arrêt en date du 10 décembre 2020, la cour d’appel de Dijon a estimé que des constats d’huissier d’un site internet réalisés « au mauvais moment » sont dénués de force probante et ne permettent donc pas d’apprécier par exemple si un site internet est « finalisé » ou si des correctifs ont été ou non apportés. En l’espèce, un client avait confié la migration de son site internet, la mise en place d’un nouveau serveur, ainsi que la correction d’éléments de son site internet à un prestataire informatique et reprochait à ce dernier que de nombreuses erreurs n’avaient pas été corrigées et que son site internet n’était pas exploitable. Les magistrats ont néanmoins estimé que le contrat ne pouvait être résilié aux torts exclusifs du prestataire informatique dès lors que (i) les constats d’huissier, communiqués à l’appui de la demande du client, avaient tous été réalisés antérieurement à la date à laquelle le prestataire informatique lui avait indiqué que les correctifs nécessaires avaient été apportés et que le site pouvait désormais être mis en ligne, ce qui laissait supposer que les constats avaient été réalisés sur une ou des versions intermédiaires en cours de développement, et non sur la version finalisée, et que (ii) le dernier constat d’huissier réalisé près de quatorze mois après cette date ne permettait pas non plus de s’assurer effectivement de l’état dans lequel se trouvait le site internet à ladite date et donc de démontrer que les dysfonctionnements détaillés dans ce procès-verbal de constat étaient de manière certaine imputables au prestataire informatique.

Ce qu’il faut en retenir : la réalisation d’un (ou plusieurs si nécessaires) constat(s) d’huissier d’un site internet est essentielle en cas de difficultés qui surviendraient dans le cadre de l’exécution d’un contrat de prestations informatiques. En effet, pour démontrer des manquements de son prestataire informatique à ses obligations contractuelles, le client doit pouvoir apporter la preuve de ses allégations en procédant à un constat d’huissier du site internet à la date à laquelle il reproche de tels manquements. En effet, il existe un risque de disparition de la preuve des manquements allégués si le constat est trop tardif et il pourrait ne pas pouvoir être démontré l’existence de manquements en cas de constat trop anticipé.

 

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Ces décisions sont l’occasion de rappeler que, dans les contrats de conception de site internet, et plus généralement dans tous les contrats ayant vocation à encadrer des projets informatiques :

 

  • il convient, en amont, de porter une attention toute particulière à la rédaction des stipulations contractuelles, étant précisé qu’il est notamment particulièrement structurant :
    • de préciser dans les contrats les modalités de coopération entre les parties (dans un tableau de type « RACI » par exemple) et de gouvernance du projet (ateliers, comités techniques / de pilotage,…) lors de la phase de « build » mais également pour la gestion de la phase de « run » le cas échéant afin de favoriser les remontées d’informations entre les parties et d’assurer la bonne fourniture des prestations conformément aux besoins du clients (qui doivent, pour mémoire, être définis contractuellement) ;
    • de prévoir (i) les modalités de recettes / tests sur les livrables (périmètre, réalisation de tests intermédiaires et recette définitive,…), (ii) un certain formalisme attaché à la réception des livrables, à chaque étape (par exemple, signature d’un procès-verbal de recette intermédiaire puis définitive) et (iii) les conséquences d’une absence de réception des livrables selon le formalisme convenu (par exemple, possibilité de résilier le contrat, suspension des paiements,…) ;

 

  • au cours de la réalisation des prestations informatiques, en cas de difficultés, il est nécessaire pour le client de faire procéder à un(des) constat(s) d’huissier, en vue d’appuyer son argumentaire à l’aide constatations matérielles faites par huissier lors de l’exploration des fonctionnalités du site et ainsi de démontrer factuellement les manquements allégués le cas échéant. Il peut également être opportun pour le prestataire de procéder également à un(des) constat(s) d’huissier, à divers étapes de l’exécution du contrat, pour démontrer par exemple les correctifs apportés ou la régularisation de la situation par ses soins ;

 

l’objectif étant, le cas échéant, de pouvoir identifier le plus précisément possible, en cas de difficultés rencontrées dans le cadre de l’exécution du contrat, les rôles et responsabilités ou, les cas échéant, les manquements respectifs de chacune des parties.

 

Ces points de vigilance revêtent un véritable intérêt aussi bien pour le client que pour le prestataire informatique, en vue d’offrir une plus grande sécurité juridique au projet et de s’inscrire dans une relation pérenne en limitant le risque d’enlisement du projet, mais également, en cas de différend, d’adopter une stratégie éventuellement précontentieuse ou contentieuse appropriée.

 

Le Pôle « IT & Data protection » d’AGIL’IT se tient à votre disposition pour vous accompagner dans le cadre de la gestion de vos projets informatiques, et en particulier de l’élaboration et/ou de la négociation des documents contractuels appropriés, afin de tenter de sécuriser au mieux de tels projets, que vous soyez client ou prestataire informatique, mais également dans le cadre des précontentieux et/ou contentieux éventuels qui pourraient survenir s’agissant desdits projets.

 

 

Par AGIL’IT – Pôle ITData protection & Télécoms

Laure LANDES-GRONOWSKI, Avocate associée

Marie MILIOTIS, Avocate