La gestion des projets informatiques selon les principes de la méthode « Agile » : attention à l’expression des besoins du client et à la réalisation des opérations de recette !

Par un jugement rendu le 7 octobre 2020, le Tribunal de commerce de Paris a estimé que, dans le cadre d’un contrat de développement d’applications mobiles et de site web, le client ne pouvait reprocher à son prestataire informatique d’avoir manqué à ses obligations contractuelles dès lors que le client n’avait pas exprimé ses besoins ni effectué des tests sur les livrables, et ce même si les parties avaient convenu de travailler selon les principes de la méthode dite « Agile ».

 

Qu’est-ce que la méthode « Agile » ?

La méthode dite « Agile » a été élaborée pour améliorer la gestion de projets en matière de développements de logiciels (en ce incluant les développements d’applications, de sites web,…), et plus généralement de projets informatiques.

Elle repose sur les principes suivants :

  • les individus et leurs interactions plus que les processus et les outils ;
  • des logiciels opérationnels plus qu’une documentation exhaustive ;
  • la collaboration accrue et permanente entre le prestataire et le client ;
  • l’adaptation aux changements et aux évolutions plus que le suivi d’un plan prédéterminé.

Cette méthode s’appuie sur une approche pragmatique et évolutive des besoins du client et de ses objectifs opérationnels. Il s’agit de mener un projet de manière itérative, c’est-à-dire en le « découpant » en un certain nombre de cycles (ou itérations), chaque itération pouvant mener à un réajustement des besoins et des objectifs, ainsi que des fonctionnalités voire des résultats attendus.

 

La nécessité pour le client de définir ses besoins et d’encadrer contractuellement les opérations de recette

En l’espèce, dans le cadre de l’affaire susvisée qui a été tranchée par le Tribunal de commerce de Paris, une société avait confié le développement de deux applications mobiles et d’un site web à un prestataire informatique, les parties s’étant entendu sur la conduite de ces projets en mode « Agile », le client conservant la réalisation des aspects « artistiques » alors que le prestataire était en charge de la partie « technique ».

Le client ayant notamment constaté des dysfonctionnements sur les applications mobiles, et des prestations non réalisées s’agissant du site web, c’est dans ce contexte qu’il a décidé d’assigner son prestataire informatique, arguant de divers manquements contractuels de la part de ce dernier dans le cadre de la conduite de ces projets.

Dans cette affaire, le tribunal a relevé que :

  • les difficultés pouvant survenir entre les cocontractants aux fins de s’accorder sur le périmètre des prestations devant être réalisées ne dérogent pas à la norme de ce type de projet en l’absence de cahier des charges et ne présentent pas de caractère anormal ;
  • les obligations qui pèsent sur le prestataire informatique dépendent des besoins et objectifs spécifique du client, à condition qu’il les exprime précisément, ce qui n’était pas le cas en l’espèce ;
  • le client ayant accepté sans émettre de réserve les applications en signant des procès-verbaux de recette, il ne pouvait arguer de la non-conformité desdites applications à ses besoins, et ce d’autant que la réalisation de tests n’avait pas été prévue contractuellement ;
  • s’agissant du site web, le client ayant rompu sa collaboration avec son prestataire avant la livraison dudit site web, il ne pouvait se prévaloir d’une inexécution partielle par le prestataire de ses obligations contractuelles ;
  • les dysfonctionnements constatés par le client et non corrigés par le prestataire dans les délais convenus contractuellement entre les parties en matière de garantie d’intervention et de correction n’entrent pas dans le périmètre de la garantie dans la mesure où il s’agissait dans les faits de demandes d’améliorations des fonctionnalités convenues et non de dysfonctionnements affectant les prestations livrées.

Aussi, le Tribunal a considéré qu’aucune faute ne pouvait être reprochée au prestataire informatique.

Il en résulte que, même si la gestion de projet en mode « Agile » présente de nombreux avantages pour les parties (flexibilité, réduction des risques, travail selon des cycles courts, coopération renforcée entre les parties, meilleure maîtrise des coûts, améliorations continues,…), il convient de garder à l’esprit que cette méthode présente aussi un risque en ce qu’elle peut rendre délicate la répartition des rôles et responsabilités entre les parties, notamment en cas d’échec ou d’enlisement du projet.

 

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Cette décision est l’occasion de rappeler qu’il convient, dans les contrats de développements de logiciels, et plus généralement dans tous les contrats ayant vocation à encadrer des projets informatiques, de porter une attention toute particulière à la rédaction des stipulations contractuelles de ces contrats. En particulier, lorsque les parties conviennent de travailler selon la méthode dite « Agile », et malgré un cadre méthodologique et documentaire devant demeurer “léger”, il est toutefois particulièrement structurant :

  • de définir les besoins du client (par référence notamment à un cahier des charges ou a minima à un document traduisant une expression des besoins, qu’il convient opportunément d’annexer au contrat) ;
  • de préciser les modalités de coopération entre les parties (dans un tableau de type « RACI » par exemple) et de gouvernance du projet (ateliers, comités techniques / de pilotage,…) lors de la phase de « build » mais également de « run » le cas échéant ;
  • de prévoir les modalités de recettes / tests sur les livrables (périmètre, réalisation de tests à chaque itération et recette définitive, modalités de réception définitive du projet par le client,…) ;
  • de faire preuve de vigilance s’agissant du périmètre de la garantie ;

afin le cas échéant de pouvoir identifier le plus précisément possible, en cas de difficulté rencontrée dans le cadre de l’exécution du contrat, les rôles et responsabilités respectifs de chacune des parties.

 

AGIL’IT se tient à votre disposition pour vous accompagner dans le cadre de la gestion de vos projets informatiques, et en particulier de l’élaboration et/ou de la négociation des documents contractuels appropriés, afin de tenter de sécuriser au mieux votre projet, que vous soyez client ou prestataire informatique.

 

 

Par AGIL’IT – Pôle IT & Data protection

Laure LANDES-GRONOWSKI, Avocate associée

Marie MILIOTIS, Avocate