Conséquences du règlement « Platform To Business » pour les plateformes en ligne et les entreprises utilisatrices de ces plateformes

Après plusieurs années d’élaboration et d’échanges, le règlement P2B (ou « Platform To Business ») (Règlement (UE) 2019/1150 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 promouvant l’équité et la transparence pour les entreprises utilisatrices de services d’intermédiation en ligne) a été publié au Journal officiel de l’Union européenne durant l’été. L’objectif de ce règlement était d’imposer aux plateformes commerciales plus de transparence et d’équité dans leur relation avec les entreprises utilisatrices de leurs services. Qu’en est-il finalement ? Quelles sont les incidences pour les opérateurs de plateformes en ligne ? Et pour les entreprises utilisatrices de ces plateformes d’intermédiation ?

 

 

Le règlement P2B a été publié le 11 juillet 2019 et est entré en vigueur le 31 juillet 2019. L’objectif de ce règlement est d’instaurer plus de transparence dans les relations commerciales des plateformes en ligne, et donc une meilleure visibilité et prévisibilité pour les entreprises et consommateurs avec qui elles contractent.

 

A qui s’applique ce règlement ? Aux fournisseurs de services d’intermédiation en ligne (ou plateformes en ligne), qu’ils soient établis dans un Etat membre de l’Union européenne (ci-après « UE ») ou en dehors, qui :
– fournissent leurs services à des entreprises établies dans l’UE ; et
– qui offrent, eux-mêmes ou pour les entreprises visées ci-avant, des biens ou des services à des consommateurs établis dans l’UE.

 

Qu’est-ce qu’un fournisseur de services d’intermédiation en ligne ? Il s’agit de plateformes de tout type, peu importe la technologie sous-jacente (cela inclut les moteurs de recherches), qui facilitent l’engagement de transactions directes entre « entreprises utilisatrices » (c’est-à-dire les entreprises qui recourent à des services d’intermédiation) et consommateurs.

Les transactions entre l’entreprise utilisatrice du service et les consommateurs peuvent être conclues en ligne (sur le portail en ligne du fournisseur de services d’intermédiation en question (la plateforme) ou sur celui de l’entreprise utilisatrice), hors ligne ou peuvent ne pas du tout avoir été conclues. L’existence de relations contractuelles entre les entreprises utilisatrices et les consommateurs n’est pas une condition préalable permettant de reconnaitre l’existence d’un service d’intermédiation en ligne.

Sont ainsi notamment concernées les places de marché pour le commerce électronique (telles qu’Amazon), les boutiques d’application (telles que l’App Store ou encore Google Play), ainsi que, par exemple, les plateformes d’annonces immobilières même si la transaction entre l’agence et le locataire, si elle a lieu, est souvent conclue entièrement hors ligne, et les plateformes de prise de rendez-vous entre un professionnel (coiffeur, médecin, restaurateur, etc.) et un consommateur. Le fait que ces transactions entre entreprises utilisatrices et consommateurs s’accompagnent ou non d’un paiement monétaire est également indifférent pour reconnaitre l’existence d’un service d’intermédiation en ligne, ainsi seraient également concernées les boutiques d’application lorsque les applications y figurant sont proposées exclusivement à titre gratuit par les entreprises utilisatrices.

Certains secteurs sont toutefois exclus de l’application du règlement P2B, et notamment les services de paiement (qui ne sont que des auxiliaires de la transaction), les détaillants en ligne (dans la mesure où ils ne vendent en ligne que leurs propres produits), les services d’intermédiation ou plateformes qui ne mettent en relation que des entreprises (plateformes BtoB, par exemple certains services de publicité en ligne ou outils publicitaires) ou ceux qui ne mettent en relation que des particuliers (services de pair à pair).

 

Que prévoit le règlement P2B ? Il vise à imposer plus de transparence et de loyauté dans la relation entre les plateformes et les entreprises utilisatrices de leurs services, et notamment à améliorer les procédures de règlements des différends et le respect par les plateformes des droits des entreprises utilisatrices.

Il s’agit notamment d’imposer à ces plateformes :

de rédiger des conditions générales claires et compréhensibles, facilement accessibles même au cours de la phase précontractuelle, définissant les motifs des décisions de suspension ou de résiliation des services et comportant des informations relatives à la propriété et le contrôle des droits de propriété des entreprises utilisatrices ;

– d’indiquer dans ces conditions générales les principaux paramètres déterminant le classement, et les raisons justifiant l’importance relative de ces principaux paramètres par rapport aux autres paramètres ;

– lorsque les principaux paramètres incluent la possibilité d’influer sur le classement contre toute rémunération directe ou indirecte versée par les entreprises utilisatrices ou les utilisateurs de sites internet d’entreprise au fournisseur concerné, d’indiquer également une description de ces possibilités et des effets de cette rémunération sur le classement ;

– d’indiquer dans ces conditions générales une description de tout traitement différencié qu’elles accordent, ou pourraient accorder, en relation avec des biens ou services qu’elles proposent ou qui sont proposés par une entreprise qu’elles contrôlent ;

d’informer clairement les entreprises utilisatrices sur le traitement de leurs données et sur celles des consommateurs ;

de notifier les entreprises utilisatrices, sur un support durable, de tout changement proposé à ces conditions générales, et de n’appliquer ces changements qu’à l’expiration d’un délai de préavis raisonnable et proportionné (qui ne pourra pas être inférieur à 15 jours). Les entreprises utilisatrices ont le droit de résilier le contrat conclu avec la plateforme durant ce préavis ;

– lorsqu’elles décident de résilier la fourniture de la totalité de leurs services à une entreprise utilisatrice, de transmettre à cette dernière l’exposé des motifs de cette décision sur un support durable au moins trente jours avant que la résiliation ne prenne effet ;

– de mettre en place un processus interne de traitement des plaintes permettant de donner à l’entreprise utilisatrice la possibilité de clarifier les faits et les circonstances en cas de restriction, de suspension ou de résiliation des services d’intermédiation, et de rendre facilement accessibles au public des informations sur le fonctionnement et l’efficacité de leur système interne de traitement des plaintes ;

d’indiquer dans leurs conditions générales deux ou plusieurs médiateurs avec lesquels elles sont prêtes à prendre contact en vue de parvenir à un accord avec les entreprises utilisatrices sur le règlement extrajudiciaire de tout litige, et de s’engager de bonne foi dans toute tentative de médiation menée.

 

Le règlement P2B sera applicable automatiquement à compter du 12 juillet 2020.

 

Par AGIL’IT – Pôle IT, Télécoms & Data protection
Sylvie JONAS, Avocate associée
Morgane BOURMAULT, Avocate