Cet article est paru dans daf-mag.fr et chedentreprise.com.
Dans un objectif de simplification des règles, la loi PACTE redéfinit la notion de seuils, tant en droit du travail qu’en droit des sociétés. Explications.
Avec la loi PACTE du 22 mai 2019, le législateur vient modifier la notion de seuils, dans ses deux volets principaux, dans un objectif d’harmonisation de la réglementation existante.
1/ La réforme des effectifs en droit du travail, un objectif presque rempli
Dans le code du travail et de la sécurité sociale, les seuils d’effectifs se sont progressivement accumulés, à tel point qu’il est devenu difficile de s’y retrouver.
11, 20, 50, 100, 250… à chaque règle son seuil d’effectif et ses modalités de décompte.
La loi PACTE tente de rationaliser l’ensemble des règles relatives aux seuils via trois nouveautés applicables dès le 1er janvier 2020 ; un projet de décret vient tout juste d’être communiqué aux partenaires sociaux par le gouvernement.
- Un regroupement sur trois seuils principaux
La loi PACTE réduit le nombre de seuils en deçà de 250 salariés afin de les recentrer sur 3 niveaux : 11, 50 et 250 salariés, et ce afin de réduire les seuils intermédiaires (notamment 10, 20 et 25 salariés). Par exemple, le seuil de 20 salariés à partir duquel le règlement intérieur devient obligatoire est relevé à 50 salariés.
Cet objectif n’est que partiellement rempli dans la mesure où les seuils intermédiaires ne sont pas totalement supprimés : le seuil de 20 salariés continue par exemple d’exister concernant la règlementation relative aux heures supplémentaires ou encore aux travailleurs handicapés. Le seuil de 200 salariés pour la mise à disposition d’un local syndical a également été maintenu.
Pour permettre une meilleure lisibilité des seuils, la loi PACTE révise également certaines expressions. Nous retiendrons par exemple la possibilité de bénéficier des dispositifs de participation et intéressement pour les dirigeants des entreprises de 1 à moins de 250 salariés alors qu’auparavant cette disposition visait les entreprises de 1 à 250 salariés.
- Une harmonisation des règles de décompte des effectifs
La loi PACTE finalise un processus d’harmonisation qui avait commencé en 2017. Pour apprécier si elle atteint un seuil d’effectif, une entreprise devra désormais appliquer les dispositions de l’article R.130-1 du Code de la Sécurité sociale (devenant L.130-1 du même Code) et ainsi tenir compte de l’effectif salarié annuel moyen.
Ainsi, l’effectif de l’entreprise correspondra à la « moyenne du nombre de personnes employées au cours de chacun des mois de l’année civile précédente ». Cela signifie concrètement que l’effectif d’une année N sera calculé au 31 décembre de l’année N-1, correspondant lui-même à la moyenne de l’effectif au cours de chacun des mois[1].
Par ailleurs, exit la notion d’établissement, désormais le périmètre d’appréciation de l’effectif est l’entreprise.
A noter : il convient d’être vigilant car toutes les dispositions ne sont pas modifiées pour autant ; ces nouvelles modalités de décompte ne concernent pas, par exemple, les dispositions relatives aux représentants du personnel.
Enfin, un projet de décret transmis aux partenaires sociaux le 18 octobre 2019 vise à compléter la loi PACTE sur cette notion de décompte des effectifs, en particulier concernant les catégories de personnes incluses dans l’effectif. Par exemple, selon ce projet de décret, l’effectif « sécurité sociale » ne prendrait en considération que les salariés titulaires d’un contrat de travail et plus les mandataires sociaux. Les salariés mis à disposition seraient quant à eux exclus de cet effectif.
- Un dispositif d’atténuation des effets de seuil sur 5 ans
La loi PACTE supprime les dispositifs existants (sauf dispositions transitoires particulières) et instaure un dispositif global d’atténuation des effets de seuils (appelé aussi « gel » des effets de seuils).
Ce dispositif consiste à imposer l’atteinte pendant 5 années consécutives d’un seuil pour être soumis à l’obligation afférente. La baisse des effectifs en deçà du seuil pendant cette période de 5 ans fait courir une nouvelle période de 5 ans.
Notons que cette nouvelle règle n’est pas applicable à toutes les dispositions et notamment au règlement intérieur ou à la mise en place du Comité Social et Economique.
2/ Redéfinition de la notion de petite entreprise
La loi PACTE a réhaussé les seuils définissant les petites entreprises au niveau maximal prévu par le droit européen.
Sont des petites entreprises les commerçants et les personnes physiques ou morales qui ne dépassent pas, au titre du dernier exercice clos les seuils suivants :
- Total du bilan : 6 millions € (contre 4 millions € avant la loi PACTE
- Montant net du chiffre d’affaires : 12 millions € (contre 8 millions € avant la loi PACTE)
- Nombre moyen de salariés (50).
Pour rappel, les petites entreprises n’ont pas à établir de rapport de gestion (sauf exception), peuvent opter pour une présentation simplifiée de leur comptes annuels et pour la confidentialité de leur compte de résultat (et, sous certaines conditions du rapport du commissaire aux compte lorsqu’il en existe un).
3/ Harmonisation des seuils de déclenchement de l’obligation de désigner un commissaire aux comptes
Avant la loi PACTE, le code de commerce prévoyait des seuils de déclenchement disparates en fonction de la forme des sociétés.
Désormais, les SAS, les SA et les SARL sont soumises aux mêmes seuils : Elles sont obligées de faire certifier leurs comptes par un commissaire aux comptes lorsqu’elles dépassent 2 des 3 seuils suivants :
Nouveaux seuils | Anciens seuils | |||
SAS | SARL | SA | ||
Total du bilan | 4.000.000 € | 1.000.000 € | 1.550.000 € | Pas de seuil |
CA HT | 8.000.000 € | 2.000.000 € | 3.100.000 € | Pas de seuil |
Nbre de salariés | 50 | 20 | 50 | Pas de seuil |
La loi PACTE a également harmonisé les règles de nomination obligatoire d’un CAC au sein d’un groupe de société
.
Elle a supprimé l’obligation automatique de devoir désigner un Commissaire aux comptes dans les SAS qui contrôlent une ou plusieurs sociétés ou qui sont contrôlées par une ou plusieurs sociétés.
Aujourd’hui les groupes de sociétés, qui dans leur ensemble dépassent les seuils susmentionnés, doivent désigner un CAC au sein de la société mère. Cette obligation ne s’applique pas lorsque cette société mère est elle-même contrôlée par une société qui a désigné un CAC.
Les filiales du groupe sont obligées de désigner leur propre CAC lorsqu’elles dépassent deux des trois seuils suivants :
- 2 millions d’€ de total bilan ;
- 4 millions d’€ de chiffre d’affaires hors taxes ;
- 25 salariés en moyenne.
Cette nouvelle règlementation s’applique à compter du premier exercice clos depuis le 27 mai 2019.
La loi ne s’impose pas aux mandats en cours : Il faudra attendre la fin du mandat des CAC en mission pour ne pas le renouveler si les nouveaux seuils ne sont pas atteints.
Cependant, les sociétés qui n’ont pas dépassé les seuils lors du dernier exercice clos avant le 27 mai 2019, pourront, en accord avec leur CAC, choisir que celui-ci poursuive son mandat selon les modalités allégées de l’audit légal PE.
Par Anne LELEU-ETE et Salomé GARLANDAT
[1] Cette règle n’étant pas applicable en matière de tarification de la cotisation accidents du travail qui reste évaluée sur la base de l’effectif N-2.