Rachat de titres entre associés, la loyauté doit primer en toutes circonstances !

Une petite omission, est-ce vraiment une attitude déloyale entre associés ?

 

Telle est la question que pourrait se poser un dirigeant-associé à la veille du rachat des titres de son/ses associé(s).

 

Conformément à une jurisprudence constante, la Cour de cassation confirme qu’il vaut mieux s’en abstenir tout en apportant une précision importante et inédite

 

En effet, la haute juridiction (Cass. Ch. Com., 10 juillet 2018 pourvoi n° 16-27868) rappelle  qu’un dirigeant et associé acquéreur des titres appartenant à l’un de ses associés, a un devoir général d’information et de loyauté à son égard.

Dans cette affaire, les faits sont classiques et assez simples à résumer :

Un associé et gérant (associé gérant) d’une SARL (la société) achète en décembre 2009 les parts de son associé (associé cédant) à leur valeur nominale.

Un mois plus tard, l’associé gérant apporte la totalité des parts qu’il détient (les titres) comprenant ceux rachetés à l’associé cédant, à une société holding qu’il détient, et ce, pour une valeur bien supérieure.

La SARL, transformée en SAS, est ensuite cédée à une société tierce (l’acquéreur) moins de 3 mois après l’acquisition initiale par l’associé gérant, et ce pour un montant encore supérieur à la valeur d’apport à la holding.

L’Administration Fiscale, soucieuse de l’intérêt public comme souvent, s’est interrogée sur la différence de valorisation entre l’apport de titres à la holding et la cession au tiers. Jugeant cette différence trop importante en l’espèce, elle a redressé l’associé gérant pour les plus-values réalisées.

Pour une raison que nous ignorons, l’associé cédant, informé de cette mésaventure et flairant probablement l’entourloupe, a assigné l’associé gérant en responsabilité pour manquement à son devoir de loyauté.

 

La nécessité d’un engagement ferme de l’acquéreur au moment du rachat par l’associé gérant ?

 

La Cour d’appel a rejeté la demande de dommages-intérêts de l’associé cédant considérant que la preuve d’un engagement ferme de l’acquéreur, pour le rachat des titres, avant sa cession par l’associé cédant à l’associé gérant, n’était pas apportée. Pour la Cour d’appel, de simples pourparlers ne pouvaient pas être de nature à influer sur le consentement de l’associé cédant.

La Chambre commerciale de la Cour de Cassation a eu un avis différent et novateur, apportant ainsi une précision importante sur la notion de loyauté, ou plus précisément selon nous, sur la preuve de l’absence de loyauté.

En effet, la haute juridiction a cassé l’arrêt de la Cour d’appel en considérant que l’associé gérant avait manqué à son devoir de loyauté en omettant d’informer l’associé cédant, des négociations en cours avec l’acquéreur, et ce, peu important leur état d’avancement.

La précision apportée par la Cour de Cassation est importante car elle signifie que de simples discussions, même avant la signature d’une lettre d’intention, obligent les dirigeants associés à informer leurs associés qui envisageraient de leur céder préalablement leurs titres. Il apparaît également que la confidentialité des discussions entre les dirigeants associés et l’acquéreur potentiel de l’intégralité des titres, n’exonère en rien ces derniers, de cette information à l’égard de leurs associés.  Il est bien évident que cette information que nous pourrions qualifier « d’importante » est de nature à influer sur le consentement des associés cédants, et sûrement plus particulièrement sur le prix de cession préalable de leurs titres.

 

L’existence d’une morale à cette histoire ?

 

Nous pourrions probablement conclure, que la loyauté passée, présente ou future entre associés doit toujours prévaloir.

Nous pensons que cette décision de la haute juridiction est finalement assez logique et qu’elle pourrait s’inscrire dans la continuité de la réforme du droit des contrats initiée par l’Ordonnance du 10 février 2016 et qui précisait au nouvel article 1104 du code civil que « Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi ».

Mais au delà de la morale qui est propre à chacun, il conviendra en notre qualité de conseil, d’informer précisément des risques encourus, les dirigeants associés soucieux de la sécurité juridique des opérations qu’ils pourraient mener au détriment de leurs associés.

 

Par AGIL’IT – Pôle Droit des sociétés – Private Equity – M&A

Mathieu SIRAGA, Avocat associé

Anne DECHAMPS, Avocate