Procédure de PSE : la compétence exclusive du juge administratif et les moyens d’action du CSE

Le juge judiciaire n’est pas compétent pour accueillir la demande du Comité Social et Economique et du syndicat visant à enjoindre la société de suspendre sous astreinte la fermeture de magasins et la mise en œuvre du projet de restructuration.

La cour de cassation a ainsi jugé, dans sa décision du 30 septembre 2020 (1), que lorsque l’employeur prend des mesures de fermeture d’établissements avant l’achèvement de la consultation des représentants du personnel, la saisine du juge des référés, par ces derniers, est inopérante et seul un recours devant la Direccte, en vue d’obtenir une injonction, est possible.

 

Rappel des faits et de la procédure

Une entreprise spécialisée dans la commercialisation d’articles de prêt-à-porter, comprenant 31 magasins répartis sur toute la France et employant 496 salariés, envisage un projet de réorganisation prévoyant la fermeture de 21 magasins en 3 ans.

Les membres des IRP se voient remettre un projet d’accord collectif relatif à un plan de sauvegarde de l’emploi annonçant le licenciement de 227 salariés en CDI et le non-renouvellement du CDD de 35 autres salariés.

Ces derniers et le syndicat Sud saisissent le juge des référés au motif que les documents remis prévoyaient la fermeture imminente d’un certain nombre de magasins, dans un délai non compatible avec les délais légaux de consultation. Ils demandent au juge judiciaire de suspendre sous astreinte la réorganisation projetée.

Le tribunal de grande instance se déclare incompétent. Et entretemps, les représentants du personnel ont saisi la Direccte qui a enjoint à la société notamment de suspendre sa réorganisation pendant la période déterminée de la procédure d’information-consultation, afin de se conformer à la règle de procédure prévue en matière de plan de sauvegarde de l’emploi.

La société, par suite, renonce à la poursuite de son projet de restructuration et dépose le bilan.

Malgré ces événements, les IRP et le syndicat Sud font appel de la décision par laquelle le TGI a déclaré leur demande irrecevable. La Cour d’appel de Paris confirme le premier jugement. Le CE et le syndicat forment un pourvoi en cassation.

Les juges du droit rejettent ce pourvoi en énonçant que « la cour d’appel en a exactement déduit, sans méconnaître le principe du droit au recours effectif, que ces demandes ne relevaient pas de la compétence du juge judiciaire ».

La cour de cassation confirme, sans surprise, la décision des juges du fond et consacre à son tour le « bloc de compétence » de la juridiction administrative en matière de contestation portant sur les procédures de licenciement avec PSE (I). Il n’en demeure pas moins que le CSE dispose de recours devant l’administration et le juge administratif (II).

 

La loi du 14 juin 2013 : point de départ de l’unification des recours en matière de licenciement collectif et de la compétence exclusive du juge administratif

Trouvant sa finalité dans le fait de mettre un terme à la pratique consistant à faire durer le plus possible la procédure de licenciement collectif en vue de retarder l’inévitable, la réforme engagée par la loi no 2013-504 du 14 juin 2013 (2), relative au licenciement économique, a mis du temps à être intégrée dans la pratique des relations collectives de travail.

Le législateur, pour pallier aux suspensions de procédures, a réduit les délais de consultation des IRP et rassemblé toutes les contestations en une seule action en justice. Celle-ci ne pouvant être mise en œuvre qu’à la fin de la procédure puisqu’elle intègre la contestation de la décision administrative.

C’est en effet à la DIRECCTE qu’est conférée la tache de valider l’accord collectif ou d’homologuer un document unilatéral fixant le contenu du PSE, en vérifiant, entre autres, la régularité de la procédure d’information et de consultation des IRP (C. trav. art. L 1233-57-2) (3).

Le code du travail dispose sans équivoque que ces accords ou documents de l’employeur « ne peuvent faire l’objet d’un litige distinct de celui relatif à la décision de validation ou d’homologation. Ces litiges relèvent de la compétence du tribunal administratif, à l’exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux » (C. trav., art. L. 1235-7-1) (4).

Le regroupement des motifs de contestation en une seule instance permettent de rejeter toutes actions visant la suspension en cours de procédure, souligne le Conseil d’Etat (5). Position sur laquelle s’est alignée la cour de cassation.

Il n’en demeure pas moins que le juge judiciaire reste compétent, entre autres, pour les litiges relevant du caractère économique du licenciement (6) et de l’obligation de reclassement (7).

 

Les moyens d’actions préventifs et juridictionnelles des représentants du personnel

En l’espèce, la consultation des IRP par la direction a eu lieu quelques jours avant la date de fermeture envisagée de l’établissement (les baux avaient été résiliés), la procédure présentait donc un caractère illicite.

L’action des IRP visait donc probablement de permettre aux salariés d’invoquer la nullité de leur licenciement. Mais paradoxalement, le choix du recours engagé par les représentants du personnel n’aura pas eu pour conséquence de privé d’un droit légitime les salariés.

Le CSE dispose pourtant de deux recours dans cette situation.

Le premier est préventif et consiste à demander au Direccte d’enjoindre à l’employeur de cesser immédiatement la mise en œuvre illicite du projet, au cours de la procédure d’information et de consultation préalable, par le biais de la procédure d’injonction (article L 1233-57-5 du Code du travail) (8).

En l’espèce, les représentants du personnel avaient adressé à la Direccte une demande d’injonction fondée sur les mêmes prétentions que celles soumises au juge judiciaire, notamment s’agissant du respect des délais de consultation, cette demande ayant été partiellement suivie d’effet.

La seconde est juridictionnelle et consiste à demander l’annulation de la décision d’homologation par l’administration.

 

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L’équipe du pôle “Droit social” d’Agil’IT se tient à votre disposition pour vous accompagner dans ce cadre.

 

 

 

(1) Cass. soc. 30-9-2020 n° 19-13.714 FS-PBI: https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_sociale_576/777_30_45526.html

(2) https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000027546648/2020-11-20/

(3) https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGIARTI000035652786/2018-01-01/

(4) https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGIARTI000027560841/2013-07-01/

(5) https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000039166626/

(6) https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000030926097/

(7) https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000039660494

(8) https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGIARTI000027558900/2013-07-01/

 

 

 

Par AGIL’IT – Pôle Droit social 

Sandrine HENRION, Avocate associée