Antidater la rupture conventionnelle : une mauvaise idée

Si le délai de rétractation de 15 jours entre la signature de la convention de rupture et la demande homologation à la DIRECCTE n’a pas été respecté, c’est toute la rupture conventionnelle qui peut être annulée, nous précise la Cour d’Appel de Montpellier dans un arrêt du 8 janvier 2020.

 

C’est à l’article L 1231-1 du Code du travail que l’on peut lire, « le contrat de travail à durée indéterminée peut être rompu à l’initiative de l’employeur ou du salarié, ou d’un commun accord des parties ». Cependant, pendant longtemps, seule la chambre sociale de la Cour de cassation prévoyait la rupture du contrat de travail par consentement mutuel en se fondant sur le droit commun des contrats (Cass. Soc. 2 décembre 2003 n°01-46.540). C’est seulement en 2008, que la rupture conventionnelle a été consacrée dans l’article 5 de la loi n°2008-596, du 25 juin, portant modernisation du marché du travail, et résultant de l’Accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008. Toute rupture amiable conclue en dehors du cadre de la rupture conventionnelle s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. Soc. 15-10-2014 n° 11-22.251).

 

Ainsi, l’indemnisation par l’assurance chômage pour le salarié, l’octroi d’indemnités de rupture conventionnelle, un possible contentieux évité, et sa simplicité de mise en œuvre, sont autant d’arguments qui font de la rupture conventionnelle un mode de rupture plébiscité tant par les salariés que par les employeurs depuis sa création. Malgré ce succès, une attention toute particulière doit être porté au consentement des parties à la rupture, et plus particulièrement du salarié, en raison du lien de subordination qui se trouve au cœur de la relation de travail.

C’est en ce sens que le 29 janvier 2020, la chambre sociale de la Cour de cassation confirme qu’une convention de rupture est nulle pour vice du consentement, si le salarié est dans une situation de violence morale au moment où il la signe (Cass. Soc. 29-1-2020 no 18-24.296). Afin d’éviter une telle issue, un délai de rétractation de 15 jours est prévu par le législateur à compter de la date de signature de la convention de rupture (L 1237-13 du Code du travail). Cette rétractation n’a pas à être motivée.

Les juges du fond, dans l’arrêt rendu le 8 janvier 2020, mettent en exergue la dangerosité d’une pratique qui consiste à ce que l’employeur et le salarié se mettent d’accord pour antidater une convention de rupture. Si cette méthode permet d’éluder le délai de rétractation de 15 jours, et donc de rompre le lien contractuel plus tôt, cela reste périlleux. En effet, si le salarié prouve que la rupture conventionnelle a été antidatée et que, de ce fait, le délai n’a pas été respecté, alors la rupture doit être annulée. Peu importe que le salarié ait signé les documents en connaissance de cause : sa mauvaise foi ne peut pas faire obstacle à l’annulation de la rupture.

 

La rupture intervenue produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et le salarié a été condamné à rembourser la somme perçue à titre d’indemnité de rupture conventionnelle (CA Montpellier 8 décembre 2020 n° 16/02955).

La Cour d’Appel de Montpellier rappelle ainsi que malgré sa simplicité, la rupture conventionnelle fait l’objet d’une procédure encadrée, qu’il faut manier avec rigueur, pour éviter tout désagrément inutile.

Forte de son succès, la rupture conventionnelle est aujourd’hui expérimentée dans le secteur public depuis le 1er  janvier 2020, pour une période de 5 ans (article 72 de la loi dite de « Transformation de la fonction publique » du 6 août 2019).

 

 

Par AGIL’ITPôle Droit social

Sandrine Henrion, Avocate Associée