Les sites pornographiques vont-ils enfin être bloqués aux mineurs ? Interview de notre associée Laure Landes-Gronowski

Le Figaro, le 11 avril 2025 – Interview de notre associée, Laure LANDES-GRONOWSKI (pôle IT & Data & Cyber), par Clotilde Jégousse, journaliste pour Le Figaro, sur l’obligation pour les plateformes et sites pornographiques de s’assurer que les internautes pouvant accéder à leurs contenus sont majeurs.

 

[Reproduction de l’article]

 

Les sites pornographiques vont-ils enfin être bloqués aux mineurs ?

Les utilisateurs de sites pornographiques devront, à partir de ce vendredi 11 avril, prouver leur âge via leur carte d’identité ou une vidéo de leur visage passée au crible de l’intelligence artificielle.

Enfin, un véritable coup d’arrêt devrait être mis à la consommation de pornographie des mineurs sur internet. Ce vendredi 11 avril marque la fin du délai accordé par l’Autorité de régulation audiovisuelle et numérique (ARCOM) aux hébergeurs pour se mettre en conformité avec son référentiel entré en vigueur au mois de janvier, dans lequel elle fixe des «exigences techniques minimales» de vérification de l’âge.

À partir d’aujourd’hui, l’empreinte de carte bancaire, qui avait déjà remplacé la simple case à cocher pour attester sur l’honneur avoir plus de 18 ans, ne sera plus considérée comme faisant foi de la majorité de l’utilisateur. Les contenus pour adultes ne devront désormais être accessibles qu’en échange d’une photographie de carte d’identité, ou d’une vidéo soumise à un contrôle facial réalisé par une intelligence artificielle. Le tout, avec une exigence de «double anonymat» imaginée pour préserver la vie privée : «Les hébergeurs devront faire appel à deux prestataires : l’un qui recueillera les données à caractère personnel mais ne saura pas pour quel site, l’autre qui transmettra l’information au site pornographique, sans savoir qui était à l’origine de la demande», explique maître Laure Landes Gronowski, avocate spécialisée en protection des données personnelles.

Une décision attendue de longue date par les associations de protection des mineurs, dont la consommation de pornographie a explosé ces dernières années. Selon l’Arcom, 30% des internautes qui consultent ces sites, soit 2,3 millions d’individus, ont mois de 18 ans, et seraient exposés à ces images pendant près d’une heure par mois en moyenne. Plus d’un garçon sur deux de moins de 12 ans, et les deux tiers des garçons âgés de 16 à 17 ans auraient cette habitude.

Pour faire respecter son référentiel, d’importants pouvoirs ont été conférés à l’Arcom par la loi du 21 mai 2024 visant à «sécuriser et réguler l’espace numérique» (dite loi SREN). Contrairement au juge judiciaire, qui ne peut agir que lorsqu’il est saisi et seulement concernant le site visé par la plainte, l’Autorité pourra exercer un contrôle lorsqu’elle le souhaite. Et, en cas de manquement, le gendarme du numérique pourra infliger de lourdes amendes, ainsi que procéder au déréférencement ou au blocage du site, comme il l’a déjà fait temporairement en 2022 concernant cinq sites pour adultes.

Se pourrait-il alors que les pouvoirs publics aient trouvé la formule magique pour éradiquer un fléau pratiquement né avec internet ? Peut-être pas tout à fait. Une incertitude subsiste en effet au sujet des sites hébergés dans d’autres pays de l’Union européenne, dont les géants Pornhub et Youporn (basés à Chypre) et Jacquie et Michel (installés en Hongrie et en Espagne). En vertu de la directive européenne sur le commerce électronique du 8 juin 2000, il existe un principe de «libre circulation des services de la société de l’information» au sein de l’Union, selon laquelle un service numérique établi dans un État membre est soumis au droit de ce pays, et ne peut se voir imposer des règles supplémentaires. Interrogé au mois de janvier par Le Figaro, le chypriote Aylo, société mère de Pornhub et Youporn, invoquait précisément cette directive pour assurer n’être «pas concerné» par cette loi, et informer de son intention de ne pas respecter le référentiel de l’Arcom, qui mettrait «en péril la sécurité des utilisateurs».

Des exceptions sont toutefois prévues à l’application de la directive, notamment «pour des raisons de santé publique et d’ordre publique, en particulier la protection des mineurs», explique maître Laure Landes Gronowski. Cela, le législateur l’a bien en tête, selon l’avocate. «En plus de l’application aux sites français et hébergés en dehors de l’Union européenne, la loi pour la confiance dans l’économie numérique de 2024 a prévu que les pouvoirs de l’Arcom pourraient s’appliquer aux sites européens si les exceptions sont caractérisées, à condition qu’un arrêté le décide», décrypte-t-elle.

C’est justement ce qu’il s’est produit : le 26 février dernier, le ministère de la Culture a pris un arrêté étendant l’application à 17 sites internet établis dans un autre État membre de l’Union. Mais cela ne signifie pas la fin du bras de fer avec les sites européens : «Il ne peut pas y avoir d’interdiction généralisée à tous les sites pornographiques européens. Il faudra prouver que les sites ciblés sont par exemple très consultés par les mineurs, ou font la promotion de scènes particulièrement violentes», précise Laure Landes Gronowski. «Il y a toujours le risque que la Cour de Justice de l’Union européenne juge que l’arrêté n’est pas conforme à la directive», juge l’avocate, qui avertit que «la loi devrait alors être revue». C’est notamment ce qu’il s’était passé en 2016 au sujet de l’obligation de traçage du trafic internet imposée par la France dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.

Rien n’empêcherait non plus les utilisateurs mineurs de s’équiper d’un «VPN», un réseau privé qui permet de modifier sa localisation virtuelle pour contourner la législation française. Après l’adoption d’une loi similaire par le gouverneur Républicain Ron DeSantis en Floride en mars 2024, c’est précisément de cette manière que les Californiens avaient contre-attaqué.

 

Pour consulter l’article sur le site du Figaro, c’est ici : Les sites pornographiques vont-ils enfin être bloqués aux mineurs ?

 

*            *

*

 

Le Pôle « IT, Data & Cyber » d’Agil’IT se tient à votre disposition pour vous accompagner en matière de bonnes pratiques et de respect des dispositions applicables sur internet.

 

Par AGIL’IT –  Pôle ITData & Cyber

Laure LANDES-GRONOWSKI, Avocate associée