Quand le droit de la protection des données à caractère personnel irrigue le droit de l’internet

 

Ou quand le non-respect des dispositions applicables en matière de protection des données à caractère personnel constitue un frein à une action en justice tendant à faire valoir ses droits en matière de propriété intellectuelle…

 

Une décision récente, rendue en référé, vient témoigner du ruissellement du droit de la protection des données à caractère personnel en matière de contentieux de l’internet sur le terrain du droit de la propriété intellectuelle : selon le tribunal de grande instance de Paris, le respect des dispositions applicables en matière de protection des données à caractère personnel constitue un préalable nécessaire à la collecte des données d’identification de présumés contrefacteurs sur internet !

 

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Par une ordonnance rendue en référé le 2 août 2019, le tribunal de grande instance de Paris a refusé que soient communiquées à un producteur de films les données d’identification détenues par un fournisseur d’accès à internet relatives à des adresses IP liées à des supposés téléchargements illicites sur une plateforme d’échanges de fichiers.

 

En l’espèce, le tribunal a considéré que le non-respect de la réglementation applicable en matière de protection des données à caractère personnel par le producteur de films (absence de désignation d’un représentant européen alors même que le producteur est situé en dehors de l’Union européenne, absence de désignation d’un délégué à la protection des données alors que des données relatives à des infractions sont collectées à grande échelle, absence de tenue d’un registre des activités de traitements et absence d’encadrement des flux transfrontières de données) constitue un empêchement légitime justifiant le refus de communication à ce dernier des données qui permettraient d’identifier les internautes dont les adresses IP (qui, pour mémoire, sont des données à caractère personnel indirectement identifiante puisqu’elles doivent être couplées avec d’autres données pour permettre l’identification des personnes concernées) ont été collectées sur la plateforme précitée.

 

En résumé : pour se voir autorisé à obtenir communication des données permettant d’identifier les auteurs présumés d’actes de téléchargements illicites en ligne, il convient que le titulaire des droits sur les œuvres téléchargées ait préalablement respecté les principes applicables en matière de protection des données à caractère personnel s’agissant de la collecte et du traitement de l’adresse IP de ces auteurs présumés.

 

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Au regard de cette illustration jurisprudentielle, et bien qu’il s’agisse d’une décision rendue”en référé”, ce dont il résulte qu’elle ne préjuge pas en principe de ce qui pourrait être décidé par les magistrats dans le cadre d’une instance “au fond”, il apparaît que la réglementation applicable en matière de protection des données à caractère personnel est désormais un véritable levier dans les cadre des actions contentieuses liées à la protection des droits sur internet, ce qui souligne la nécessité d’être particulièrement vigilant à cet égard, au risque de ne pas pouvoir faire valoir ses droits en justice.

 

 

 

Par AGIL’IT – Pôle IT, Télécoms & Data protection

Laure LANDES-GRONOWSKI, Avocate associée

Marie MILIOTIS, Avocate