Opérateurs de plateforme en ligne : faites le point sur les obligations qui vous sont applicables !  

Les opérateurs de plateforme en ligne peuvent être tenus de respecter des obligations spécifiques telles que résultant notamment de l’article L.111-7 et suivants et D.111-7 et suivants du Code de la consommation, sous réserve que leur activité y soit soumise, ce qui ne les exonère pas bien entendu de respecter le droit commun quelle que soit leur activité, ainsi que l’illustrent les jurisprudences récentes présentées ci-après.

 

Focus sur l’activité de comparateur en ligne

Aux termes de l’article L.111-7 du Code de la consommation, « Est qualifiée d’opérateur de plateforme en ligne toute personne physique ou morale proposant, à titre professionnel, de manière rémunérée ou non, un service de communication au public en ligne reposant sur : 1° Le classement ou le référencement, au moyen d’algorithmes informatiques, de contenus, de biens ou de services proposés ou mis en ligne par des tiers ; 2° Ou la mise en relation de plusieurs parties en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service ou de l’échange ou du partage d’un contenu, d’un bien ou d’un service ». Exercer une telle activité implique l’obligation de mettre à disposition des consommateurs un certain nombre d’informations obligatoires.

En outre, lorsque l’activité de l’opérateur de plateforme en ligne consiste en la fourniture d’informations permettant la comparaison des prix et des caractéristiques de biens et de services proposés par des professionnels, certaines informations particulières complémentaires doivent être communiquées aux consommateurs dans une rubrique spécifique dédiée ainsi que sur la page de résultats du comparateur (cf. articles D.111-10 et suivants du Code de la consommation).

Les juridictions ont d’ailleurs déjà été amenées à se prononcer sur la conformité ou non de plateformes exerçant ce type d’activités en condamnant notamment respectivement la société Booking au versement de la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts (TGI Paris, 24 septembre 2019, n°17/06224) et la société Le Lynx au versement de la somme de 20 000 euros de dommages et intérêts (TGI Paris, 17 décembre 2019, n°17/06223) au profit d’une association de défense des intérêts des consommateurs, au titre de divers manquements aux dispositions précitées du Code de la consommation.

En revanche, par un jugement rendu le 24 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Paris a rejeté la demande formulée par l’association de défense des intérêts des consommateurs susvisée arguant du non-respect des dispositions précitées par la société éditant le site internet labo.fnac.com, dont l’objet est la publication à destination de tous publics d’informations et de résultats de tests d’usage sur des produits high-tech. Dans cette affaire, le tribunal a considéré que ce site internet ne proposait pas de service de comparaison en ligne de produits et de services vis-à-vis des consommateurs et, par conséquent, qu’il n’était pas soumis aux dispositions précitées applicables aux comparateurs en ligne.

A cet égard, il est précisé dans cette affaire par le tribunal que la qualification de l’activité du site internet dont il est question doit « être recherchée en fonction d’une analyse intrinsèque de la nature de l’ensemble de son contenu et non suivant le seul constat du libellé de l’onglet « Comparateur » » qui figure sur le site internet labo.fnac.com. Fort de ce constat, le tribunal relève que l’activité en cause résulte de la fourniture d’informations au public, que le classement des produits présentés « repose simplement sur un ordre antéchronologique (du plus récent au plus ancien), excluant donc par définition l’intervention d’algorithmes informatiques », que l’affichage des résultats repose seulement sur des moyens humains, et que l’association de défense des intérêts des consommateurs doit en conséquence être déboutée de ses demandes puisqu’elle ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, que l’éditeur du site internet litigieux procèderait à des référencements et déclassements de produits par le moyen d’algorithmes informatiques.

Cette décision est particulièrement structurante pour les opérateurs de plateforme en ligne, et plus généralement éditeurs de site internet, puisqu’elle vient préciser le périmètre de l’activité de comparateur en ligne qui est soumise à des obligations spécifiques prévues par le droit de la consommation, dispositions relativement récentes dont l’interprétation par les magistrats apporte des éclairages pratiques opportuns au fur et à mesure des décisions de justice rendues.

En outre, il convient de garder à l’esprit qu’il peut être particulièrement pertinent dans ce type de contentieux de faire appel à un expert ou conseil en matière informatique pour démontrer le cas échéant la nature de l’activité litigieuse puisque dans cette affaire, le tribunal s’est appuyé sur l’analyse réalisée par un conseil sollicité par l’éditeur du site internet, aux termes de laquelle il était indiqué qu’il s’agissait d’un « simple site d’affichage excluant tout procédé comparatif de prix, tout classement autre que par date (de test) et tout recours à des algorithmes informatiques », pour motiver sa décision.

 

Activité de plateforme de mise en relation (ou « marketplace ») et concurrence déloyale

Par un arrêt en date du 20 novembre 2020, la cour d’appel de Paris a condamné un opérateur de plateforme de mise en relation des internautes avec des sites marchands de commerce en ligne (ou « marketplace ») pour concurrence déloyale résidant dans un détournement de clientèle.

En l’espèce, il avait été constaté qu’un internaute recherchant un produit « Bonpoint » sur la marketplace était dirigé vers une liste de résultats au sein de laquelle seuls 5 produits Bonpoint sur 70 étaient disponibles. En outre, lorsque l’internaute cliquait sur les produits de la marque Bonpoint indisponibles, il était renvoyé sur une page lui indiquant cet état et l’invitant à consulter des produits similaires sans que son attention soit attirée sur le fait qu’il ne s’agissait alors plus d’articles de la marque Bonpoint.

Si la cour a confirmé le rejet des demandes de la société Bonpoint arguant de l’existence de pratiques commerciales trompeuses en ce qu’il n’était pas démontré que la présentation de la page de résultats était susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif, elle a toutefois infirmé le jugement rendu en première instance en considérant que l’opérateur de la plateforme avait commis des actes de concurrence déloyale en utilisant la renommée de la marque Bonpoint pour générer un trafic d’internautes en les orientant vers d’autres produits similaires à ceux proposés par Bonpoint mais concurrents, l’opérateur de la plateforme obtenant du fait d’une telle pratique un avantage en ce qu’il était rémunéré sur la base des clics réalisés depuis ladite plateforme vers les sites marchands partenaires.

 

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L’activité des plateformes faisant l’objet d’une réglementation relativement « récente » et en pleine mutation, la construction jurisprudentielle des régimes applicables aux opérateurs de plateforme en ligne doit faire l’objet d’une attention particulière en ce qu’elle apporte un éclairage pertinent auxdits opérateurs s’agissant de l’interprétation de cette réglementation, leur permettant de vérifier la conformité de leurs pratiques au regard des dispositions spécifiques qui peuvent leur être applicables, mais également du droit commun et, à défaut, de déployer des actions correctrices à cette fin.

 

Le Pôle « IT & data protection » d’AGIL’IT se tient à votre disposition pour vous accompagner en vue de la détermination des obligations qui vous sont applicables au regard de votre activité et d’une mise et / ou d’un maintien en conformité de vos pratiques en tant qu’opérateur de plateforme en ligne.

 

 

Par AGIL’IT – Pôle ITData protection & Télécoms

Laure LANDES-GRONOWSKI, Avocate associée

Marie MILIOTIS, Avocate