L’E-RÉPUTATION DES PERSONNES PUBLIQUES, ÉPISODE 3 : L’INJURE

L’e-réputation des personnes publiques : une série en plusieurs épisodes

Première partie : qu’est-ce que l’e-reputation ? Focus sur l’injure (3/5)

Deuxième partie – à venir – : comment la protéger et agir en cas d’atteinte ?

 

 

Définition de l’injure

L’injure est constituée par tout expression outrageante, terme de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait précis (article 29 de la loi du 29 juillet 1881).

La précision des faits est l’élément différenciant l’injure de la diffamation. De ce fait, plus les imputations seront générales, moins le caractère diffamant sera retenu. Par exemple, la Cour d’appel de Paris a considéré comme trop général pour constituer une diffamation un tweet qui indiquait.« douée dans le dénigrement, le chantage et la menace ne vous laissez pas.impressionnée c’est juste ce qu’il cherche à faire ». Elle a ainsi plutôt relevé la connotation injurieuse du tweet (CA Paris, 3 décembre 2013, n°13/03674).

L’injure peut également se voir opposée à la liberté d’expression. A ce titre, la Cour de cassation a pu se prononcer dans une grande saga judiciaire. Cette saga opposait Marine Le Pen à l’animateur Laurent Ruquier de l’émission « On n’est pas couché ». La Cour a examiné une image issue du quotidien Charlie.Hebdo dans l’émission diffusée sur la chaine de télévision France 2. Elle a décidé que cette image comparant Marine Le Pen à un excrément n’était pas constitutive de l’infraction d’injure publique. En effet, la Cour de cassation a considéré que la publication litigieuse ne dépassait pas les limites admissibles de la liberté d’expression (Crim. 25 octobre 2019, n° 17-86.605).

 

L’injure et la diffamation

Si des faits réunissent injure et diffamation, alors seule la diffamation peut être retenue, comme l’a décidé la Cour de cassation dans une autre décision (Crim. 24 janvier 1995, Bull. Crim. n°33). Dans cette affaire, un adjoint au maire avait tenu les propos suivants au sujet du maire auquel il était rattaché dans un journal :

« Je pourrai ajouter qu’en cette mairie comme dans n’importe quelle république bananière, tout est à l’avenant. Mais les pots-de-vin, les dessous-de-table, les commissions cachées, les renvois d’ascenseur sont tellement difficiles à déceler. Qui se hasarderait à les dénoncer sans preuve ? »

« Mais démonstration est faite qu’il (le maire) n’hésite pas, pour de basses combines électorales ou la simple vanité de ses comparses, à dilapider les fonds publics : il révèle ainsi sa vraie nature de tricheur à la petite semaine. »

La Cour de cassation a considéré que le délit de diffamation absorbait délit d’injure, qui ne pouvait être relevé seul.

 

L’excuse de provocation

Enfin, l’auteur d’une injure peut, sous certaines conditions, justifier ses propos par l’excuse de provocation. Les propos tenus volontairement dans le but d’irriter une personne peuvent par suite expliquer et excuser les propos injurieux reprochés (Crim. 10 mai 2006, 05-82.971). Néanmoins, la reconnaissance de cette excuse implique l’existence d’une relation directe entre l’injure et la provocation. Il doit s’agir d’une riposte immédiate et irréfléchie, sinon la provocation ne peut constituer une excuse à l’injure.

Ainsi, l’excuse de provocation a notamment été retenue pour un maire qualifiant les syndicalistes enseignants de “sans éducation, aigris, sectaires et dont le comportement n’a rien à envier à celui de racailles”, s’agissant d’une réponse à une provocation dans le cadre d’un débat politique, et ces propos ne dépassant pas les limites de la liberté d’expression, telle que consacrée par la Convention européenne des droits de l’homme (Cass. crim., 28 mars 2017, req. 16-81896).

 

 

Pour plus d’informations sur la diffamation et l’injure en lien avec le service public, voir notre article : Diffamation, injure et service public : quelles règles s’appliquent ?

 

Le Pôle « IT & Cybercriminalité » d’AGIL’IT se tient à votre disposition pour vous accompagner en matière d’e-réputation et plus largement en cybercriminalité et pour toute question que vous pourriez avoir à ce sujet.

 

Par AGIL’IT – Pôle IT & Cybercriminalité

Sylvie JONAS, Avocate associée

Morgane BOURMAULT, Avocate