Afnic (procédure Syreli) : prise en compte de droits obtenus postérieurement à l’enregistrement d’un nom de domaine

La procédure Syreli, qui vise notamment à permettre au titulaire de droits antérieurs (marques, dénomination sociale, etc.) d’obtenir la suppression ou la transmission d’un nom de domaine enregistré postérieurement par un tiers lorsque cet enregistrement porte atteinte à ses droits, a fait l’objet d’une application innovante par le Collège de l’AFNIC (Association française pour le nommage Internet en coopération). En effet, dans une décision rendue le 25 mars 2021 (DÉCISION DE L’AFNIC – eat.fr – Demande n° FR-2021-02272), le Collège a pris en compte des droits obtenus postérieurement à l’enregistrement du nom de domaine litigieux.

 

Qu’est-ce que la procédure Syreli ?

Les procédures extrajudiciaires pour cybersquatting visent à obtenir la suspension, la suppression ou le transfert du nom de domaine litigieux, et sont, de manière générale, rapides et assez peu onéreuses. Le cybersquatting (ou cybersquattage) est une pratique consistant à enregistrer abusivement un nom de domaine, c’est-à-dire à enregistrer un nom de domaine dans le but de nuire à un tiers ou d’en tirer indûment un profit.

Cette pratique consiste généralement à enregistrer un nom de domaine correspondant à une société/à une marque/un nom commercial/un patronyme/etc., et peut avoir des finalités très variées :

  • le revendre ensuite au propriétaire légitime ou à l’ayant droit ;
  • altérer sa visibilité ou nuire à l’image de marque (par exemple en hébergeant sur le site frauduleux des activités illicites ou un contenu inapproprié comme un site pornographique) ;
  • profiter de sa notoriété (par exemple pour drainer du trafic sur le site frauduleux, pour vendre des produits de contrefaçon, pour blanchir de l’argent) ;
  • utiliser le nom de domaine pour des attaques en « phishing » ou pour l’envoi d’emails de spam.

Différentes procédures existent en fonction de l’extension du nom de domaine litigieux.

 

SYNTHESE

Les noms de domaine concernés par une procédure SYRELI et par une procédure PARL EXPERT :

– Tous les noms de domaine dont la centralisation est assurée par l’AFNIC[1] : .fr (France métropolitaine et Corse), .re (La Réunion), .yt (Mayotte), .pm (Saint-Pierre et Miquelon), .wf (Wallis-et-Futuna), .tf (Terres australes et antarctiques françaises)

Les noms de domaines concernés par une procédure UDRP :

– Tous les gTLDs : domaine de premier niveau générique (en anglais generic top-level domain) ex : .com, .org, .net., …

Certains ccTLDs : domaine de premier niveau national ou extensions géographiques (en anglais country code top-level domain) à savoir : .ag, .ai, .as, .bm, .bs, .bz, .cc, .cd, .co, .cy, .dj, .ec, .fj, .fm, .gd, .gt, .ki, .la, .lc, .md, .me, .mw, .nr, .nu, .pa, .pk, .pn, .pr, .pw, .ro , .sc, .sl, .so, .tj, .tt, .tv, .ug, .ve, .vg, et .ws

Les noms de domaines concernés par une procédure URS :

– Tous les New gTLDs introduits depuis le 1er janvier 2013 : les nouveaux noms de domaine ex : .shop, .app, .bio, etc.

Pour plus d’information sur ces procédures, voir notre article « Cybersquatting : transfert ou suppression rapide d’un nom de domaine abusif »

 

Quel est l’impact de la décision « eat.fr » du 25 mars 2021 ?

Dans le cadre de la procédure Syreli (ainsi que de la procédure Parl Expert), il appartient au requérant de prouver qu’il dispose d’un intérêt à agir (article L45-6 al. 1 du CPCE), mais aussi, notamment, que le nom de domaine objet du litige est susceptible de porter atteinte à des droits de propriété intellectuelle ou de la personnalité, et que le titulaire (du nom de domaine) ne justifie pas d’un intérêt légitime et agit de mauvaise foi (article L45-2 du CPCE).

Le Collège relève que l’enregistrement du nom de domaine litigieux est antérieur à certains droits de propriété du requérant. En effet, dans l’affaire visée, le nom de domaine contesté (à savoir, « eat.fr ») a fait l’objet d’un enregistrement le 20 avril 2005, c’est-à-dire avant que le requérant ne constitue sa société (sous le nom « Just Eat ») le 28 avril 2005 et avant qu’il n’enregistre ses marques « Just Eat » entre 2014 et 2016.

Toutefois, ce n’est pas ici l’enregistrement que le Collège vient sanctionner mais son renouvellement, qui lui est postérieur à l’acquisition par le requérant des droits visés ci-avant – l’article L45-2 du CPCE prévoyant d’ailleurs les hypothèses de contestation de l’enregistrement d’un nom de domaine, mais aussi de son renouvellement.

Le Collège justifie également sa décision par des éléments de contextes permettant de justifier cette décision, et notamment que :

  • le titulaire du nom de domaine litigieux avait été opposé au requérant dans une affaire du 27 juillet 2018 devant l’OMPI portant sur les noms de domaine <allo-resto.com>, <allo-resto.info> et <allo-resto.net>, et dans laquelle l’OMPI avait ordonnée le transfert de ces noms de domaine au requérant, et ne pouvait donc ignorer l’existence des droits du requérant ;
  • depuis l’enregistrement du nom de domaine jusqu’au 6 mars 2018, le nom de domaine litigieux n’était pas exploité par le titulaire (il redirigeait vers une page vierge ou une page de mise en vente du nom de domaine), or le 18 juillet 2019, le requérant constate que ce nom de domaine est utilisé pour rediriger vers un site web reproduisant la charte graphique du requérant et se présentant comme faisant partie du groupe de société du requérant.

 

Le Collège affirme ainsi que le titulaire avait renouvelé le nom de domaine dans le but de profiter de la renommée du requérant en créant un risque de confusion dans l’esprit du consommateur, et accepte sur ce fondement la demande de transmission du nom de domaine « eat.fr » au profit de la filiale française du requérant.

 

Le cybersquatting peut être accompagné de différentes pratiques susceptibles de constituer notamment des infractions pénales. La poursuite de telles infractions n’étant pas toujours compatible avec une procédure extrajudiciaire, AGIL’IT se tient à votre disposition pour vous aider à évaluer vos différentes options et déterminer la plus pertinente en l’espèce, ainsi que vous accompagner dans leur mise en œuvre.

 

Par AGIL’IT – Pôle ITTélécoms & Data protection

Sylvie JONAS, Avocate associée

Morgane BOURMAULT, Avocate

 

[1] AFNIC : Association française pour le nommage Internet en coopération. L’AFNIC est l’office d’enregistrement (ou registre) désigné par l’État français pour la gestion des noms de domaine sous l’extension .fr. Elle gère également les extensions ultramarines .re (Ile de la Réunion), .pm (Saint-Pierre et Miquelon), .tf (Terres australes et antarctiques Françaises), .wf (Wallis et Futuna), .yt (Mayotte).