Publication de la première recommandation du CSA dans le domaine de l’Internet : la responsabilisation des opérateurs de plateforme en hausse

Le 15 mai 2019, le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (ci-après « CSA ») a publié une recommandation n°2019-03 à l’attention des opérateurs de plateforme en ligne dans le cadre de la lutte contre la diffusion de fausses informations.

 

Une compétence élargie du CSA

Le 22 décembre 2018, la loi n°2018-1202 relative à la lutte contre la manipulation de l’information (dite Loi anti-fake news) a été promulguée et est venue élargir la compétence du CSA.

Dans un premier temps, cette loi du 22 décembre 2018 a élargi le champ de compétence du CSA. En effet, le CSA, autorité publique française de régulation, intervenait initialement en matière audiovisuelle, à savoir la radio et la télévision. Aujourd’hui le CSA intervient aussi pour la régulation d’Internet et plus particulièrement pour la régulation et l’encadrement des plateformes en ligne.

Dans un deuxième temps, cette même loi confère au CSA le pouvoir de faire des recommandations aux plateformes en ligne et la mission de s’assurer du respect par lesdites plateformes de leur obligation de mettre en œuvre des mesures pour lutter contre la diffusion de fausses informations. Elle instaure un devoir de coopération en matière de lutte contre la diffusion de fausses informations à la charge des principaux opérateurs de plateforme en ligne (dont l’activité dépasse cinq millions de visiteurs uniques par mois).

Le 15 mai 2019, le CSA a mis en œuvre cette nouvelle compétence pour la première fois aux termes de sa recommandation n°2019-03.

 

Objectif : une responsabilisation des acteurs d’Internet

Cette recommandation s’inscrit dans un mouvement de lutte contre l’opacité et les dérives sur Internet. En effet, Internet est devenu un lieu important de diffusion de messages haineux mais aussi de fausses informations. Ces comportements peuvent porter atteinte à deux droits fondamentaux protégés à la fois par la Convention européenne des droits de l’homme, par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne mais aussi par la Déclaration universelle des droits de l’homme :

  • Le droit au respect de la vie privée ; et
  • La liberté d’information (partie intégrante de la liberté d’expression).

Pour les pouvoirs publics, cette lutte doit notamment se matérialiser par une responsabilisation des acteurs d’Internet, et plus spécifiquement des opérateurs de plateforme en ligne.

 

De nouvelles obligations à la charge des plateformes

De nouvelles obligations pèsent donc sur les plateformes en ligne qui doivent désormais tenir à jour un suivi des mesures mises en place et les déclarer annuellement auprès du CSA (au plus tard le 31 mars de l’année suivant l’année d’exercice sur laquelle elles portent). A ce titre, les opérateurs de plateforme en ligne doivent notamment rendre compte des mesures qu’ils mettent en œuvre pour :

    • permettre à leurs utilisateurs de signaler de fausses informations susceptibles de troubler l’ordre public ou d’altérer la sincérité des scrutins ;
    • favoriser la transparence sur leurs algorithmes ;
    • favoriser la promotion des contenus issus d’entreprises et d’agences de presse et de services de communication audiovisuelle ;
    • favoriser la lutte contre les comptes propageant massivement de fausses informations ;
    • informer les utilisateurs sur l’identité de la personne physique ou la raison sociale, le siège social et l’objet social des personnes morales leur versant des rémunérations en contrepartie de la promotion de contenus d’information se rattachant à un débat d’intérêt général ;
    • informer les utilisateurs sur la nature, l’origine et les modalités de diffusion des contenus ;
    • développer l’éducation aux médias et à l’information.

 

Le CSA se réserve par ailleurs la possibilité de demander toute information en cas de constat d’une manipulation ou d’une tentative de manipulation de l’information susceptible de troubler l’ordre public ou d’altérer la sincérité d’un scrutin.

Par ailleurs, les opérateurs de plateforme en ligne dont l’activité dépasse un certain seuil sont maintenant tenus de désigner un représentant légal exerçant les fonctions d’interlocuteur référent sur le territoire français.

Pour l’instant, aucune sanction spécifique ne semble avoir été mise en place en cas de non-respect de cette obligation, toutefois le CSA entend s’assurer du respect de ces obligations notamment en publiant périodiquement un bilan de leur suivi.

Le nouveau président du CSA, Roch-Olivier Maistre, s’est par ailleurs dit favorable à l’instauration d’un mécanisme de sanctions contre les plateformes en ligne, et a souligné que le CSA n’hésiterait pas à nommer publiquement les opérateurs qui ne rempliraient pas leurs obligations.

 

Ces nouvelles obligations en matière de lutte contre les fausses informations viennent s’ajouter à celles pesant déjà sur les opérateurs de plateforme en ligne, qui vont de la contribution au respect des droits d’auteur, en passant par le retrait de contenus illicites.

 

En effet, l’article 17 de la nouvelle directive sur le droit d’auteur dans un marché unique numérique est venu introduire une obligation de conclure des accords avec les ayants droit afin de diffuser des contenus protégés par le droit d’auteur. Toutefois, certaines exceptions sont mises en place.

Par ailleurs, l’article 6 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (dite LCEN) fait peser plusieurs obligations sur les hébergeurs (dont font partie les plateformes en ligne) dont notamment l’obligation de retrait de contenus illicites après notification des utilisateurs, mais aussi une obligation d’information aux utilisateurs et une obligation de conservation des données sous peine de voir leur responsabilité civile ou pénale engagée.

 

Afin d’établir une relation de confiance entre les opérateurs de plateforme, les utilisateurs et les pouvoirs publics, les opérateurs de plateforme en ligne ont tout intérêt à respecter ces nouvelles obligations mises à leur charge. Ils doivent faire preuve d’une vigilance accrue afin d’éviter de voir leur responsabilité engagée juridiquement.

 

Par AGIL’IT – Pôle IT, Télécoms & Data protection

Sylvie JONAS, Avocate associée

Morgane BOURMAULT, Avocate