Maintenance informatique : le prestataire est tenu à une obligation de résultat s’agissant de la qualité de ses prestations !

Suite à un dysfonctionnement du réseau informatique d’un de ses clients, un prestataire de services de maintenance informatique s’est vu condamné le 4 décembre 2019 par le tribunal de commerce de Caen à verser la somme de 15 000€ à titre de dommages intérêts au bénéfice de ce client après que ledit tribunal ai retenu que la qualité des interventions du prestataire n’avait pas été en adéquation avec l’obligation de résultat qui lui incombait.

 

1. Une obligation de résultat d’identifier le dysfonctionnement afin d’y apporter une solution ?

 

Dans cette affaire, une société de promotion immobilière avait conclu avec un prestataire de services de maintenance informatique professionnelle, un contrat ayant pour objet la maintenance de son réseau informatique. Des dysfonctionnements du réseau faisant l’objet du contrat ayant été constatés par le client, ce dernier a introduit une action en justice afin de solliciter du prestataire une indemnisation du fait du préjudice résultant de ces dysfonctionnements.

 

A ce titre, les juges du fond rappellent tout d’abord que « la nature même d’un réseau informatique implique la résolution régulière de problèmes de fonctionnement, ce qui justifie la conclusion d’un contrat de maintenance ».

 

Puis, après avoir constaté que le prestataire n’était pas responsable des dysfonctionnements rencontrés, et qu’il avait d’un point de vue des délais d’intervention effectué normalement les diligences prévues au contrat, le tribunal ajoute que du point de vue de la qualité des interventions :

 

  • l’analyse du nombre conséquent et du contenu des réclamations amiables du client démontraient (et ce malgré le fait que le client ne démontrait pas de manière certaine la durée de l’indisponibilité de son réseau) que les interventions du prestataire n’ont pas été en adéquation avec l’obligation de résultat qui lui incombe ;
  • il ressortait clairement de l’expertise du prestataire et de sa responsabilité de professionnel spécialiste, qu’il était de sa responsabilité d’identifier les problèmes afin d’y trouver une solution ;
  • et qu’en n’apportant pas de réponse alors qu’il y avait eu une répétition des mêmes réclamations pendant plusieurs mois, le prestataire a manqué à ses obligations contractuelles, impliquant pour le client un préjudice qui doit être réparé.

 

Ainsi, au regard de cette décision, un prestataire de maintenance serait tenu à une obligation de résultat s’agissant de la qualité de ses interventions.

 

2. Un chiffrage « équitable » du préjudice ?

 

Après avoir considéré que le prestataire devait indemniser le client, les juges du fond s’attèlent à la détermination du montant du préjudice devant être réparé.

 

A cet égard, le tribunal précise que :

 

  • le principe de la réparation intégrale et ses développements jurisprudentiels visent à replacer la victime dans l’état où elle aurait été si le dommage n’était pas survenu, et donc sans perte ni profit ;
  • il ne peut être question d’avaliser une demande indemnitaire très importante et insuffisamment fondée émise par le client ;
  • le modèle économique de promotion immobilière du client implique un travail de longue haleine dont on ne peut prétendre sérieusement qu’il serait impacté très fortement par une interruption informatique de quelques heures, même répétée ;
  • le tribunal estime « équitable » de fixer à 15.000 € la réparation de la gêne provoquée par les dysfonctionnements du réseau, somme majorée des intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement, montant auquel le prestataire est donc condamné (augmenté du montant de 5000 € au titre des frais exposés dans le cadre de la procédure).

 

*

*            *

 

L’interprétation à donner à cette décision peut prêter à interrogation…

 

En effet, la tendance jurisprudentielle consiste à admettre que, dans un contrat de maintenance informatique, le prestataire n’est tenu que d’une obligation de moyens s’agissant du contournement ou de la correction des dysfonctionnements. La décision commentée pourrait sembler tendre vers une solution inverse.

 

Toutefois, la portée de cette décision doit être nuancée, dans la mesure où :

– d’une part, il s’agit d’un jugement de tribunal de première instance soumis à une possibilité de recours et dont l’influence reste limitée ;

– d’autre part, la rédaction de la décision demeure ambiguë. En effet, si cette décision semble indiquer de manière non équivoque qu’un prestataire de maintenance est tenu à une obligation de résultat s’agissant de la qualité des prestations délivrées, les contours de cette notion de “qualité des prestations” ne sont pas clairement définis et il n’est pas évident que cette obligation de résultat s’étende à la résolution des dysfonctionnements ;

– enfin, ce jugement ne donne pas de précision sur le contenu du contrat en cause, contenu qui pourrait pourrait pourtant être à l’origine de l’orientation de cette décision.

 

En tout état de cause, cette décision est l’occasion de rappeler qu’il convient, dans les contrats de maintenance, et plus généralement dans tous les contrats informatiques, de porter une attention toute particulière à la rédaction des documents contractuels entre les parties, notamment s’agissant des clauses relatives au détail des obligations de ces dernières (par exemple : objectifs des prestations, niveaux de services garantis (cf. “service level agreement” ou “SLA“), qualification des obligations à la charge des parties, etc.), afin le cas échéant de pouvoir identifier précisément, en cas de difficulté rencontrée dans le cadre de l’exécution du contrat, les rôles et responsabilités respectives de ces dernières.

 

Par AGIL’IT Pôle IT & Data Protection

Laure LANDES-GRONOWSKI, Avocate associée