L’assouplissement de certains régimes de transmission d’entreprise par la loi de finances pour 2022

S’inscrivant dans le plan en faveur des indépendants annoncé par le gouvernement en septembre dernier, la loi de finances pour 2022 (art. 19) assoupli un certain nombre de régimes d’exonération et d’abattement applicables aux plus-values professionnelles afin de simplifier la transmission d’entreprises.

Ces assouplissements concernent les régimes suivants :

  • Régime d’exonération de l’article 238 quindecies du code général des impôts (ci-après « CGI ») concernant les plus-values réalisées lors de la transmission d’une PME ou d’une branche complète d’activité ;
  • Régime d’exonération de l’article 151 septies A du CGI concernant les plus-values de cession d’entreprise réalisées en cas de départ à la retraite de l’exploitant ;
  • Abattement prévu à l’article 150-0 D du CGI applicable aux cessions de titres réalisées en cas de départ à la retraite du dirigeant.

Ces modifications sont applicables à compter de l’exercice clos au 31 décembre 2021 en matière d’impôt sur les sociétés (ci-après « IS ») et à compter de l’année 2021 en matière d’impôt sur le revenu (ci-après « IR »).

Exonération des plus-values réalisées lors de la transmission d’une entreprise individuelle ou d’une branche complète d’activité

Rappel du régime applicable

Les plus-values professionnelles réalisées à l’occasion de la transmission d’une entreprise individuelle, de titres de sociétés de personnes soumises à l’IR ou de branches complètes d’activité peuvent bénéficier, sous certaines conditions, d’une exonération d’impôt (art. 238 quindecies du CGI).

Ce régime est commun à tous les types de transmission d’entreprises, à titre onéreux ou gratuit, et peut concerner tant celles relevant de l’IR que celles soumises à l’IS, dès lors que ces dernières répondent à la définition de PME communautaire. Son application dépend de la valeur de l’exploitation transmise.

L’exonération est totale lorsque la valeur des éléments d’actifs cédés n’excède pas 300 000 €. Elle n’est que partielle lorsque cette valeur est comprise entre 300 000 € et 500 000 €.

Dans tous les cas, l’activité transmise doit avoir été exercée pendant au moins 5 ans.

Revalorisation des plafonds d’exonération

Partant du constat que les plafonds d’exonération n’étaient « plus adaptés aux réalités économiques », il est apparu souhaitable de les actualiser afin de les mettre en adéquation avec les valorisations actuelles des entreprises et fonds de commerce.

Ces plafonds d’exonération ont en effet été définis par la loi de finances rectificative pour 2005, lors de l’instauration de ce régime, et n’ont jamais été modifiés depuis.

La loi de finances pour 2022 vient ainsi relever ces plafonds d’exonération pour les porter de 300 000 € à 500 000 € pour une exonération totale et de 500 000 € à 1 000 000 € pour une exonération partielle.

Clarification de la méthode de valorisation des actifs

L’appréciation des seuils d’exonération est réalisée sur la base de la valeur des actifs soumis au droits d’enregistrement en application des articles 719, 720 ou 724 du CGI.

Cette méthode comporte certaines ambiguïtés du fait du renvoi à des dispositions relatives aux droits de mutation à titre onéreux dont certaines ont été modifiées depuis, sans qu’une coordination ait été opérée à l’article 238 quindecies du CGI.

La loi de finances pour 2022 vient clarifier les conditions d’appréciation de ces plafonds d’exonération en définissant plus explicitement les modalités de détermination des actifs transmis. Ainsi, il sera désormais tenu compte du prix stipulé des éléments de l’actif transmis, ou leur valeur vénale, auxquels seront ajoutées les charges en capital et les indemnités stipulées au profit du cédant, à quelque titre et pour quelque cause que ce soit.

Application de la règle de minimis

Pour les sociétés soumises à l’IS l’application de ce régime est désormais soumise à la règle de minimis, limitant les aides à un plafond de 200 000 € sur une période glissante de 3 exercices fiscaux.

Exonération des plus-values réalisées lors du départ en retraite

Rappel du régime applicable

Lors de son départ à la retraite, l’exploitant qui cède son entreprises ou les parts d’une société de personne dans laquelle il exerce son activité peut bénéficier d’une exonération de la plus-value réalisée à cette occasion sous certaines conditions (art. 151 septies A du CGI).

Cette exonération, applicable quelle que soit la nature de l’activité exercée, est réservée aux entreprises répondant à la qualification de PME communautaire.

Pour que l’exonération trouve à s’appliquer il convient que le cédant cesse toute fonction dans l’entreprise cédée ou dans la société dont les parts sont cédées, et qu’il fasse valoir ses droits à la retraite dans les 24 mois suivant ou précédant la cession.

Le départ à la retraite et la cessation des fonctions peuvent intervenir l’un avant la cession et l’autre après – ou inversement – mais le délai entre le premier et le dernier de ces évènements ne peut excéder 24 mois.

Par ailleurs, l’activité doit avoir été exercée pendant au moins 5 ans à la date de la cession.

Aménagement temporaire du délai de cession

En raison de la crise sanitaire, certains exploitants ou dirigeants de PME ayant atteint l’âge de la retraite, ou qui ont été contraint de faire valoir leurs droits à la retraite de manière anticipée du fait de cette crise, rencontrent des difficultés pour trouver un repreneur.

Une mesure d’assouplissement temporaire du délai de cession permettant de bénéficier de l’exonération des plus-values de cession a été introduite par la loi de finances.  Ce délai est ainsi porté à 36 mois lorsque le cédant fait valoir ses droits à la retraite à une date située entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2021.

Un tel assouplissement est également prévu, dans les mêmes conditions, pour les cessions de titres de sociétés soumises à l’IS lorsque des plus-values ont été placées en report d’imposition en raison d’opération antérieures.

Transmission de fonds donnés en location-gérance

Rappel du régime applicable

La cession d’une activité qui a fait l’objet d’un contrat de location-gérance peut bénéficier des régimes d’exonération exposés ci-dessus à condition que l’activité ait été exercée pendant 5 ans au moment de la mise en location et que la transmission soit réalisée au profit du locataire-gérant.

Facilitation de la transmission des fonds donnés en location gérance

Le bénéfice de cette exonération est exclu lorsque la cession d’un fonds de commerce donné en location-gérance au moment de la cession est effectuée au profit d’un tiers.

Or certains locataires ne peuvent pas, en raison de leur situation financière, ou ne veulent pas reprendre l’entreprise. Cette situation peut conduire à retarder ou empêcher certaines opérations de cession ou à inciter le cédant à renoncer au bénéfice des régimes d’exonération des plus-values professionnelles.

Ainsi la loi de finances pour 2022 a étendu le bénéfice de ces régimes d’exonération aux plus-values réalisées à l’occasion de la cession d’une activité faisant l’objet d’un contrat de location-gérance à une autre personne que le locataire-gérant, sous réserve que la cession porte sur l’intégralité des éléments concourant à l’exploitation.

Abattement bénéficiant aux dirigeants partant à la retraite

Rappel du régime applicable

Les dirigeants de PME qui cèdent leurs titres et qui font valoir leur droit à la retraite peuvent bénéficier d’un abattement fixe de 500 000 € sur les plus-values réalisées, sous réserve du respect de certaines conditions (art. 150-0 D ter du CGI).

Ce dispositif a été modifié en dernier lieu par la loi de finances pour 2018, qui l’a reconduit pour les cessions réalisées jusqu’au 31 décembre 2022.

Prorogation du dispositif

Afin de donner plus de visibilité aux dirigeants sur les conditions économiques de leur départ en retraite, la loi de finances proroge de deux années ce dispositif. Ainsi, l’abattement d’assiette fixe de 500 000 € sur les plus-values de cession de titres réalisées par les dirigeants de PME est prolongé jusqu’au 31 décembre 2024.

Par AGIL’IT – Pôle Fiscalité – Ingénierie Patrimoniale
Kevin LANNUZEL, Avocat associé