Code des communications électroniques européen : mise en demeure de la France pour non-transposition

Le 4 février 2021, la Commission européenne a engagé une procédure d’infraction contre 24 États membres (dont la France) pour défaut de transposition du code des communications électroniques. À ce jour, seules la Grèce, la Hongrie et la Finlande ont déclaré à la Commission avoir adopté toutes les mesures nécessaires pour transposer la directive, et avoir donc terminé cette transposition.

 

 

La directive (UE) 2018/1972 du 11 décembre 2018 établissant le code des communications électroniques européen a refondu les dispositions relatives aux communications électroniques au sein d’un même texte. Sa transposition devait intervenir en droit interne avant le 21 décembre 2020.

 

Ce nouveau code constitue le « troisième » paquet télécom et il se substitue intégralement aux paquets télécom de 2002 et 2009 (les directives «cadre[1]», «autorisation[2]», «accès[3]» et «service universel[4]»), à l’exception :

 

Le code contient des mesures visant à :

    • améliorer la protection des consommateurs: contrats plus clairs pour les services de téléphonie, de connexion internet et pour les applications de messagerie. En effet, le code prévoit notamment la mise en œuvre d’un modèle de récapitulatif contractuel (Règlement d’exécution (UE) 2019/2243) que les opérateurs de l’UE devront suivre, que ce soit pour la téléphonie, la connexion internet ou la messagerie. « Ce récapitulatif doit inclure les principales conditions du contrat, comme les coordonnées du fournisseur, la description du service, la vitesse du service internet, le prix, la durée, les conditions de renouvellement et de résiliation et les caractéristiques intéressant les utilisateurs finaux handicapés » (extrait du communiqué de presse de la Commission européenne en date du 21 décembre 2020) ;
    • étendre le champ d’application du nouveau code aux messageries électroniques OTT (over-the-top ou service par contournement, c’est-à-dire sans la participation de l’opérateur de réseau traditionnel).

En effet, l’article 2 de la directive 2018/1972 définit la notion de service de communications électroniques comme comprenant :

1. les services d’accès à l’internet

2. les services consistant en la transmission de signaux (ex : radiodiffusion ou entre machines) et

3. les services de communications interpersonnelles définis comme « un service normalement fourni contre rémunération qui permet l’échange interpersonnel et interactif direct d’informations via des réseaux de communications électroniques entre un nombre fini de personnes, par lequel les personnes qui amorcent la communication ou y participent en déterminent le ou les destinataires ».

Ces services peuvent être fondés sur la numérotation (Whatsapp, Messenger, Télégram, Snapchat) ou ne pas l’être (les services de courriels électroniques : Gmail, Yahoo mail, etc.).L’objectif est de proposer une régulation applicable à tous services de communication électronique, quel que soit le réseau utilisé. Ainsi l’article 2, paragraphe 1 cite expressément l’Internet parmi les réseaux de communications électroniques.

 

    • stimuler les investissements dans les réseaux à très haute capacité (5G) (voir notamment article 3.4 (d) de la directive 2018/1972) ;
    • instaurer des normes plus élevées en matière de services de communication, et notamment mettre en place au niveau national le système d’alerte du public “112 inversé” avertissant les personnes, directement sur leur téléphone portable, des urgences majeures telles que les catastrophes naturelles ou les attentats terroristes.

 

L’Organe des régulateurs européens des communications électroniques (ORECE) a publié de nombreuses lignes directrices afin d’accompagner les états membres dans la transposition du code des communications électroniques.

 

Après une phase de consultation publique qui s’est déroulée du 16 janvier 2020 au 16 mars 2020 et une phase de consultations obligatoires (ARCEP, CSA, CSNP et CNEN), le gouvernement a demandé au parlement de l’habiliter à prendre, par ordonnance, les dispositions législatives requises par cette transposition. 

Ainsi, au titre de l’article 38 de la Loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière : « le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi : 1° Les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires à la transposition de la directive (UE) 2018/1972 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 établissant le code des communications électroniques européen ainsi que les mesures d’adaptation de la législation liées à cette transposition ».

 

Le gouvernement a donc jusqu’au 2 juin 2021 pour transposer, par ordonnance, le code des communications électroniques. Rappelons toutefois que la directive aurait dû être transposée au plus tard le 21 décembre 2020. Dans ce contexte, de nouvelles sanctions européennes pourraient toutefois intervenir. En effet, la Commission a entamé une procédure d’infraction qui laisse à la France un délai de deux mois pour fournir des explications. A réception de ces explications, la Commission peut formellement exiger de la France qu’elle transpose la directive, et à défaut de transposition dans un délai imparti, la Commission peut alors déférer l’affaire devant la Cour de justice de l’Union européenne.

 

Une procédure que nous suivons et dont nous vous rendrons compte.

 

 

Par AGIL’IT – Pôle IT, Télécoms & Data protection

Sylvie JONAS, Avocate associée

Morgane BOURMAULT, Avocate

 

 

[1] Directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « cadre »)

[2] Directive 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l’autorisation de réseaux et de services de communications électroniques (directive « autorisation »)

[3] Directive 2002/19/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l’accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu’à leur interconnexion (directive « accès »)

[4] Directive 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques (directive « service universel »)

[5] Directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 juillet 2002 concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques (directive vie privée et communications électroniques), tel que modifiée par la Directive 2009/136/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 modifiant la directive 2002/22/CE concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques, la directive 2002/58/CE concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques et le règlement (CE) n o 2006/2004 relatif à la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l’application de la législation en matière de protection des consommateurs

[6] Règlement (UE) 2015/2120 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 établissant des mesures relatives à l’accès à un internet ouvert et modifiant la directive 2002/22/CE concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques et le règlement (UE) no 531/2012 concernant l’itinérance sur les réseaux publics de communications mobiles à l’intérieur de l’Union