Publication d’un article sur la propriété intellectuelle détournée dans la revue MCI

J’ai eu le plaisir d’écrire un article sur “la propriété intellectuelle détournée: focus sur un phénomène inquiétant” pour la revue MCI du 3ème trimestre 2020.
 

Je remercie chaleureusement Michelle RAFENOMANJATO pour cette opportunité de publication dans cette revue malgache.

 

Résumé

 

La propriété intellectuelle a pour finalité principale de protéger un acte créatif. Pourtant, un phénomène émergent paraît antinomique avec cette finalité : de plus en plus de sociétés – souvent chinoises- essaient d’obtenir des titres de propriété industrielle en Europe alors qu’il s’agit de copies manifestes de droits préexistants. Ce phénomène nécessite à la fois une surveillance accrue des dépôts par les titulaires de droits et d’engager des actions contre ces dépôts frauduleux.

 

 

L’introduction est reproduite ici:

Selon un rapport récent de l’OCDE et de l’EUIPO, le commerce de produits de contrefaçon représente désormais 3.3 % des échanges mondiaux et ne cesse de prendre de l’ampleur[1]. Selon les statistiques des douanes de l’Union Européenne, la majorité des produits contrefaits saisis lors de contrôles douaniers proviennent, sans grande surprise, de Chine et d’Asie du Sud-Est.
 

Le phénomène de la contrefaçon est ancien et documenté : l’essentiel de la contrefaçon mondiale, dans nombre de secteurs industriels, provient de Chine (directement ou par le biais d’autres pays pour éviter les saisies douanières). Cela implique pour les titulaires de droits de mettre en place des actions préventives auprès des Douanes et d’essayer de repérer le plus tôt possible les réseaux de contrefaçon, notamment sur le Web.
 

Un autre phénomène bien connu en Chine est celui du « trademark squatting »[2]. Des sociétés chinoises déposent quasi-systématiquement des marques nationales chinoises reproduisant ou imitant des marques étrangères, ce qui s’avère problématique lorsque la protection en Chine n’est pas effectuée dans le délai de priorité de six mois à compter du dépôt de la marque en France ou en Union Européenne. Les titulaires de droit sont confrontés à ce trademark squatting depuis de nombreuses années et les actions mises en place en Chine permettent, dans une certaine mesure, aux sociétés étrangères de mieux lutter contre ce problème.
 

En revanche, à la lecture de nombreuses décisions récentes, un phénomène nouveau émerge : celui de la protection pas des sociétés – chinoises principalement- de leurs « créations » contrefaisantes par le droit de la propriété intellectuelle. Cette pratique est très fréquente en matière de dessins et modèles mais également en droit des marques.
 

Ce phénomène est surprenant de prime abord. Comme le rappelle le Professeur Nicolas Binctin, « l’acte créatif est au cœur de la propriété intellectuelle ». Quel que soit le droit de propriété intellectuelle en cause, la protection n’est accordée qu’à une création qui doit respecter certaines conditions légales. La notion de création va de soi pour les brevets, le droit d’auteur et les dessins et modèles. Elle s’applique également pour le droit des marques qui est certes un droit d’occupation mais le titulaire doit faire preuve d’une certaine créativité dans le choix du signe pour passer le seuil de la distinctivité.
 

En l’absence de tout processus de création ou d’innovation, la protection par la propriété intellectuelle devrait être sans objet puisque des contrefacteurs de mauvaise foi (c’est-à-dire, au sens de cet article, les cas où la contrefaçon tellement grossière qu’elle est manifestement délibérée) représentent l’antinomie de la propriété intellectuelle. Traditionnellement, les contrefacteurs essaient de rester discrets et d’échapper aux actions des titulaires de droit.
 

Pourtant, il sera démontré ici que certains acteurs économiques souhaitent désormais utiliser les mécanismes de protection de la propriété intellectuelle pour protéger des contrefaçons manifestes.
 
 
[1] https://www.oecd-ilibrary.org/trade/trends-in-trade-in-counterfeit-and-pirated-goods_g2g9f533-en
 
 

[2] https://www.chinalawblog.com/2017/12/the-five-kinds-of-trademark-squatters.html