Les décisions en propriété intellectuelle relevées par Jérôme TASSI en juillet et août 2020

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LEGO : 18 actions en nullité de dessins et modèles gagnées contre le même déposant en juin 2020

 

Je relate souvent des décisions sur ce phénomène de détournement de la propriété intellectuelle lorsque des contrefacteurs en puissance déposent désormais des marques ou des dessins et modèles sur leurs produits contrefaisants (https://www.village-justice.com/articles/propriete-intellectuelle-detournee-protection-des-contrefacteurs-mauvaise-foi,32031.html).
 

En juin 2020, la société LEGO a obtenu pas moins de 18 décisions de nullité contre des copies grossières de personnages ou d’accessoires LEGO. Tous ces modèles annulés ont été déposés par une même société bulgare.
 

La procédure devant l’EUIPO étant administrative, les remboursements de taxes et de frais d’avocats sont plafonnés (ici, LEGO reçoit à chaque fois environ 750 €  alors que les frais engagés sont bien plus importants).
 

Ce phénomène devient de plus en plus inquiétant, et il faudra, dans le cadre de la réforme des dessins et modèles, trouver des moyens juridiques pour le contrer.

 

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La marque VOYAGER est valable pour désigner des montres (CA Paris, 29 juin 2020)

 

La société LOUIS VUITTON MALLETIER a déposé la marque verbale VOYAGER pour des Montres, mouvements d’horlogerie.
 

 
L’INPI avait refusé d’enregistrer la marque pour défaut de caractère distinctif. Saisie d’un recours, la Cour d’appel annule la décision de l’INPI et confirme la validité de la marque :
 

« Dans l’esprit du consommateur d’attention moyenne, normalement informé et raisonnablement avisé des montres et des mouvements d’horlogerie, le terme VOYAGER sera certes évocateur d’une action de voyager, ou lui suggérera l’idée de voyages, mais il n’existe pas pour autant de point de contact direct entre ce signe et le produits dont s’agit ».
Cet arrêt permet de rappeler qu’un terme du langage courant ou évocateur peut constituer une marque valable dès lors qu’il n’y a pas de lien immédiat avec les produits ou services en cause.

 

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Klinsmann contre Panini (EUIPO, 13 juillet 2020)
 

Un post qui rappelle des souvenirs footballistiques de jeunesse : l’ancien buteur international allemand Jürgen Klinsmann a attaqué en révocation pour non-exploitation 3 marques figuratives de retournés déposées par la société PANINI, éditrice des fameux albums éponymes.
 

Les marques avaient été déposées pour de nombreux produits et services en classes 9, 16, 18, 25, 28 et 42. Or, l’exploitation des marques n’a pu être prouvée que pour des cartes et des sacs à dos. Les marques sont donc révoquées pour près de 90% des produits et services déposés.
 

Les trois décisions n’ont pas un intérêt juridique important mais elles rappellent que Jürgen Klinsmann attaque toujours autant avec succès !

 

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Kung Fu Panda en droit des marques (CA Paris, 10 juillet 2020)

 

Le titulaire d’une marque figurative représentant un panda a formé opposition contre une demande de marque semi-figurative représentant un emballage avec un panda, pour des produits alimentaires identiques en classe 30.
 

L’INPI avait fait droit à l’opposition mais la Cour d’appel annule cette décision au regard de l’absence de risque de confusion entre les signes.
 

La Cour relève que phonétiquement, le signe opposé se prononcerait JOYCO alors qu’à défaut d’élément verbal la marque antérieure serait appelée « Panda ». Surtout, d’un point de vue intellectuel, les signes diffèrent car « la marque antérieure est une représentation anthropomorphique visant à humaniser l’animal dans un style manga avec la tête disproportionnée par rapport au corps, alors que celui de la marque contestée correspond à une représentation plus réaliste de l’animal qui figure au sein d’un conditionnement transparent resserré en son centre, cette différence sur le plan intellectuel étant importante, la société Orkla ne pouvant revendiquer une protection que sur la forme particulière de son panda radicalement distincte de celle du signe contesté. »

 

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GIBSON : la marque 3D sauvée par son logo (EUIPO, BoA, 4 août 2020)

 

Le célèbre fabricant de guitare a déposé une marque 3D  sur une guitare avec le nom GIBSON figurant en petits caractère sur la tête de la guitare.
 

La forme de la guitare ne présentait aucune particularité par rapport aux normes du secteur et aurait été refusée sans l’élément verbal GIBSON. Tout le débat était donc de déterminer si la présence de GIBSON suffisait à rendre la marque distinctive.
 

Se fondant explicitement sur la CP9 relative aux marques 3D, le chambre des recours considère la marque valable malgré le caractère très discret de l’élément verbal par rapport à l’élément graphique. En effet, dans le domaine spécifique des guitares, le consommateur va être attentif sur l’origine du produit et porter son attention sur cet élément verbal : « Guitars are highly sophisticated products, often crafted by hand, and the manufacturers who made them are a very important parameter when choosing one. Therefore, this name is what the average amateur guitar buyer would, according to common sense, look for in order to distinguish one make from another, before spending so much money. Due to the cost of a guitar, the relevant public will take time before purchasing and will certainly perceive the ‘Gibson’ logo on the guitar’s headstock »

 

Il s’agit d’une décision d’espèce applicable aux guitares mais qui pourrait être transposée à d’autres produits onéreux (montres, parfums, voitures).

 

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Espelette : une décision pimentée sur l’atteinte au nom d’une commune (INPI, 29 juillet 2020)

 

La commune d’Espelette a formé opposition contre la demande de marque ESPELETTE ESPRIT DE PARFUM CHRISTIAN LOUIS LOUIS MAITRE PARFUMEUR PARIS en classes 3 (parfums), 16 (produits de l’imprimerie) et 42. L’opposition est fondée uniquement sur l’atteinte au nom, à l’image et/ou à la renommée de la collectivité territoriale (art. L. 711-4 h du Code de la propriété intellectuelle).
 

Or, l’INPI rappelle que ce texte n’a pas pour objet d’interdire aux tiers, d’une manière générale, de déposer en tant que marque un signe identifiant une collectivité territoriale, mais seulement de réserver cette interdiction au cas où il résulte de ce dépôt une atteinte aux intérêts publics.
 

Ici l’opposition est rejetée car la commune «  n’a pas démontré en quoi le dépôt de la demande d’enregistrement, pour les produits et services qu’elle désigne, engendrerait un risque de confusion avec ses propres attributions ou serait de nature à lui porter préjudice ou à porter préjudice à ses administrés. Qu’en particulier, il n’est pas davantage démontré en quoi le dépôt de la marque pour les produits précités galvauderait l’image de produits de terroir et de qualité liée au nom Espelette, comme l’affirme l’opposante. »
 

Jérôme TASSI