Récompenser et fidéliser les salariés et mandataires sociaux avec des actions gratuites, et pourquoi pas « de préférence »

Pour récompenser et fidéliser, certaines sociétés peuvent attribuer gratuitement des actions à leurs salarié(e)s et mandataires sociaux, et choisir de limiter ou d’étendre leurs droits d’associé(e)s grâce au mécanisme des actions de préférence.

Rappelons tout d’abord ce que sont des actions gratuites, à quoi elles servent, qui peut les émettre, qui peut en bénéficier et comment les émettre.

 

Que sont les actions gratuites ?

Les actions gratuites, régie par les articles L. 225-197-1 et suivants du Code de commerce, permettent de faire bénéficier un ou plusieurs salariés ou mandataires sociaux, le cas échéant sous conditions, de l’acquisition d’actions sans aucun versement.

Ces actions attribuées gratuitement peuvent être ordinaires ou de préférence.

 

À quoi servent-elles ?

L’attribution d’actions gratuites est un mécanisme juridique d’intéressement capitalistique ayant pour vocation la fidélisation des salariés et des mandataires sociaux concernés en leur octroyant la qualité d’actionnaire/associé(e) à terme, avec les droits politiques ou financiers liés, et notamment le droit de percevoir des dividendes ou de revendre tout ou partie de leurs actions. 

Les salariés et mandataires sociaux concernés sont donc grandement incités à contribuer au développement de la société pour qu’elle prenne de la valeur car, mécaniquement, si la société prospère, ils réaliseront à terme un gain financier.

 

Qui peut les émettre ?

Seules les sociétés par actions (SA, SAS, SCA) peuvent attribuer des actions gratuites, qu’elles soient cotées ou non cotées.

 

Qui peut en bénéficier ?

Tout salarié ou mandataire social visé par la loi (président du conseil d’administration, directeur général, directeur général délégué, membre du directoire, gérant de SCA et président d’une SAS) peut bénéficier d’actions gratuites, à condition de respecter certains plafonds individuels et collectifs.

Des actions gratuites peuvent également être attribuées par une entreprise à des salariés de filiales ou de sociétés mères, sous certaines conditions.

 

Comment les émet-on ?

La décision d’émission des actions gratuites relève de la compétence des associés/actionnaires, qui doivent fixer les principales caractéristiques (nombre d’actions émises, durée des périodes d’attribution et de conservation), et du Président ou du conseil d’administration chargés ensuite de réaliser l’émission des actions gratuites (identifier les bénéficiaires et fixer le cas échéant les objectifs à atteindre).

 

Un dispositif attractif tant pour la société attributaire que pour les bénéficiaires : tout le monde y gagne !

Les bénéficiaires n’obtiennent la qualité d’associé(e)/actionnaire qu’après une période d’acquisition et ne peuvent céder leurs actions qu’après une période de conservation. L’opération s’inscrit dès lors dans la durée et favorise une issue « gagnant-gagnant », où la bonne santé financière de la société attributaire permettra le cas échéant la perception de dividendes par les bénéficiaires et à terme, la réalisation d’un gain de cession conséquent.

De plus, l’acquisition des actions peut également être subordonnée au respect de certaines conditions comme l’atteinte d’objectifs individuels et/ou collectifs liés à la société attributaire (l’atteinte d’un chiffre d’affaires ou l’évolution du cours de bourse si la société est cotée), ce qui renforce encore l’attractivité de cet instrument.

La société attributaire peut également moduler les droits politiques ou financiers attachés à ces actions gratuites en émettant des actions de préférence, et en allouant des avantages pour ceux qui les possèdent ou, à l’inverse, en posant des limitations de pouvoirs ou d’accès à l’information habituellement prévue pour les associé(e)s/actionnaires (on parlera alors d’actions de « dé-préférence »).

Ainsi, les actions de préférence dont les principales caractéristiques relèvent de l’article L. 228-11 du Code de commerce peuvent être émises avec ou sans droit de vote. Le droit de vote peut être suspendu, partiel [1] ou encore totalement supprimé.

Les actions de préférence peuvent aussi conférer un avantage particulier à son porteur, comme un droit à dividende prioritaire, une information renforcée, un droit de vote double ou multiple, un droit de veto, un droit privilégié en cas de cession des titres ou sur le boni de liquidation de la société (en cas de dissolution liquidation amiable) etc.

Les droits particuliers peuvent être exerçables non seulement dans la société émettrice des titres mais également dans sa mère ou ses filiales.

Les actions de préférence peuvent enfin procurer des obligations ou des restrictions ; elles peuvent ne procurer que des obligations, la préférence sera alors négative.

A noter que la combinaison « préférence et dé-préférence » est parfaitement envisageable. Il pourrait ainsi être envisagé des actions gratuites de préférence sans droit de vote et avec un droit privilégié en cas de cession.

La procédure d’attribution gratuite d’actions de préférence est identique à celle d’actions ordinaires à condition que l’attribution vise tous les salariés [2] et si la catégorie d’actions de préférence existe déjà  [3]. Dans le cas contraire, il faudra faire appel à un commissaire aux avantages particuliers.

 

Combien cela coûte-t-il ? [4]

 
A la société attributaire
Au salarié ou mandataire social bénéficiaire
Lors de l’attribution gratuites des actions
 Néant
Néant
Lors de l’acquisition effective des actions 
Une contribution patronale de 20 % [5] de la valeur des actions est due dans le mois suivant la date d’acquisition effective sauf pour les PME n’ayant pas distribué de dividendes depuis leur création et si la valeur des actions gratuites ne dépasse pas un certain plafond [6]
Néant
Lors de la cession des actions gratuites
Néant
–   Imposition de la plus-value d’acquisition [7]
Barème de l’impôt sur le revenu [8] + prélèvements sociaux
–   Imposition de la plus-value de cession [9]
Prélèvement forfaitaire unique (« PFU » ou également appelée flat tax) de 12,80 % ou sur option barème de l’impôt sur le revenu en tant que plus-value de cession de valeurs mobilières diminué des éventuels abattements + prélèvements sociaux

 

[1] Par exemple un droit de vote portant uniquement sur les décisions extraordinaires.

[2] Le texte exige l’intervention d’un commissaire aux avantages particuliers lorsque les actions sont émises « au profit d’une ou plusieurs personnes nommément désignées » (art. L 228-15 Code Com.).

[3] Dans ce cas, un rapport spécial du commissaire aux comptes, lorsque la société en est dotée, peut suffire.

[4] A jour des actions attribuées gratuitement sur décision de la collectivité des associé(e)s / actionnaires depuis le 1er janvier 2018

[5] La Loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 du 22 décembre 2018 allège ce forfait à 10% pour les abondements employeurs lorsque le salarié investi sur le fonds d’actionnariat salarié.

[6] La valeur cumulée des actions attribuées pendant l’année en cours et les trois précédentes ne dépasse pas, par bénéficiaire, le plafond annuel de sécurité sociale.

[7] Plus-value d’acquisition : la plus-value d’acquisition est égale à la valeur des actions au jour de l’acquisition effective.

[8] Pour la fraction de la plus-value n’excédant pas 300.000 € : application d’un abattement unique de 50% quelle que soit la durée de détention effective des titres / Pour la fraction au-delà de 300.000 € : aucun abattement pour durée de détention

[9] Plus-value de cession : la plus-value de cession est égale à la différence entre le prix de cession et la valeur des actions au jour de l’acquisition effective.

 

Par AGIL’IT,  Pôle Private Equity, M&A, Corporate

Mathieu SIRAGA, Avocat associé

Anne DECHAMPS, Avocate