Une décision du Conseil constitutionnel attendue ! La possibilité d’ajouter ou de modifier une clause d’exclusion dans les statuts de SAS sans l’accord de tous les associés est validée

Par une décision du 9 décembre dernier[1], le Conseil Constitutionnel a jugé conforme à la constitution les dispositions du code de commerce permettant, dans une SAS, l’adoption ou la modification d’une clause d’exclusion à la majorité statutaire.

 

1. La clause d’exclusion face au droit constitutionnel de propriété

La question posée à la haute juridiction était de savoir si la nouvelle combinaison des articles L.227-16 et L.227-19 du code de commerce respecte le droit de propriété protégé par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen (« DDHC ») ; sujet doctrinal jusqu’ici longuement débattu.

Pour rappel, la loi du 19 juillet 2019 de simplification, de clarification et d’actualisation du droit des société, dite loi SOILIHI[2], est venue modifier l’article L.227-19 du Code de commerce.

Alors qu’une unanimité des associés était auparavant exigée pour insérer ou modifier une clause d’exclusion dans les statuts de SAS, la nouvelle rédaction de l’article permet l’adoption ou la modification de cette clause sensible au moyen d’« une décision prise collectivement par les associés dans les conditions et formes prévues par les statuts », c’est-à-dire possiblement à la majorité simple.

En l’espèce, un associé a été exclu de la société à l’issue d’une assemblée générale extraordinaire en vertu de la clause d’exclusion prévue dans les statuts qui avait été préalablement modifiée par la majorité des associés conformément à la nouvelle rédaction de l’article L.227-19 du code de commerce.

Ce dernier a assigné la société en nullité des décisions de modification des statuts, de son exclusion et de la cession forcée de ses titres, considérant qu’elles portaient atteinte à son droit de propriété protégé constitutionnellement.

En effet, l’article 17 de la DDHC prévoit que nul ne peut être privé de son droit fondamental de propriété « si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité ».

 

2. L’objectif d’intérêt général et le caractère non disproportionné de la clause d’exclusion

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision tant attendue du 9 décembre 2022, reconnait les conséquences préjudiciables des articles visés :  un associé peut se voir exclu et contraint de céder ses titres en application d’une règle à laquelle il n’aurait pas consenti. Pour déclarer les articles susvisés du code de commerce conformes à la Constitution, il revenait alors au Conseil de vérifier, en l’absence de privation totale du droit de propriété (une cession forcée n’étant pas assimilable à une expropriation), que la limitation au droit de propriété ainsi instaurée était (i) justifiée par un objectif d’intérêt général et (ii) n’était pas disproportionnée.

Or, selon le Conseil constitutionnel, l’intérêt général découle du fait que la possibilité d’insérer ou de modifier une clause d’exclusion de statuts de SAS sans exiger l’unanimité des associés permet de garantir la cohésion de l’actionnariat de la SAS, assurer la poursuite de l’activité et éviter les situations de blocage.

Enfin, pour démontrer l’absence de disproportion, le Conseil constitutionnel se repose sur l’existence de garanties offertes à l’associé exclu :

  • antérieurement à l’exclusion: l’exclusion doit d’une part intervenir à l’issue d’une procédure prévue par les statuts et non abusive et, d’autre part, reposer sur un motif, stipulé par les statuts, conforme à l’intérêt social et à l’ordre public ;
  • postérieurement à l’exclusion: le rachat des titres peut être réalisé à dire d’expert si le prix n’est pas déjà déterminé ou déterminable par les parties et l’associé peut contester l’exclusion devant les juridictions judiciaires.

 

3. Un juste motif d’exclusion rendu nécessaire?

Sur ce dernier point, une question subsiste : le Conseil Constitutionnel ajoute qu’il reviendra au juge « de s’assurer de la réalité et de la gravité du motif retenu ». Faut-il alors considérer que le motif d’exclusion, en plus d’être stipulé par les statuts, conforme à l’objet social et à l’ordre public, doit présenter une certaine gravité pour permettre l’exclusion de l’associé sans craindre une sanction judiciaire ?

 

[1] Décision n° 2022-1029 QPC du 9 décembre 2022

[2] LOI n° 2019-744 du 19 juillet 2019 de simplification, de clarification et d’actualisation du droit des sociétés, article 29.

 

Par AGIL’IT – Pôle Droit des sociétés – Private Equity – M&A

Salomé GARLANDAT, Avocate Associée

Mathieu SIRAGA, Avocat Associé