Les BSPCE, un outil attractif de fidélisation et de participation à la performance

Les Bons de Souscription de Parts de Créateur d’Entreprise, puisque tel est le nom complet de l’acronyme BSPCE, sont visés dans un article unique du Code Général des Impôts, savoir l’article 163 bis G.

Il s’agit d’un dispositif d’intéressement actionnarial attractif, notamment pour les sociétés en forte croissance.

En effet, cet outil juridique permet depuis 1998 aux dirigeants et salariés d’entrer, ou d’augmenter leur participation, au capital de leur société dans de bonnes conditions financières, tout en bénéficiant d’un régime fiscal et social avantageux.

Les BSPCE sont donc naturellement très appréciés des start-ups mais plus généralement de toutes les jeunes entreprises pour fidéliser les collaborateurs clés.

 

L’article 163 bis G du CGI a ainsi fait l’objet de deux modifications au cours de l’année 2019 :

  • Par la loi PACTE du 22 mai 2019 [1],
  • Par la loi de finances pour 2020 du 28 décembre 2019 [2].

Ces modifications prennent en compte l’utilisation concrète de ce dispositif en élargissant le cercle des bénéficiaires potentiels et en tenant compte de leurs situations différentes.

 

La loi PACTE a précisé que pour fixer le prix d’acquisition des actions lors de l’exercice des BSPCE, l’article 163 bis G du CGI prévoit désormais que si la société émettrice a procédé dans les six mois précédant l’attribution des bons à une augmentation de capital par émission de titres conférant des droits équivalents à ceux résultant de l’exercice des bons, ce prix doit être au moins égal, au prix d’émission des titres concernés alors fixé, diminué le cas échéant d’une décote correspondant à la perte de valeur économique du titre depuis cette émission.

 

La loi de finances pour 2020 (article 10) précise que : « Lorsque les droits des titres résultant de l’exercice du bon ne sont pas au moins équivalents à ceux des titres émis lors d’une telle augmentation de capital, ce prix d’émission peut également, pour déterminer le prix d’acquisition du titre souscrit en exercice du bon, être diminué le cas échéant d’une décote correspondant à cette différence. » (nouvel article 163 bis G III 1er alinéa 1er du CGI).

 

Par conséquent, des salariés souscrivant au capital via des BSPCE postérieurement à d’autres actionnaires titulaires de droits spécifiques, pourraient bénéficier d’un prix d’acquisition des titres décoté.

Pour apprécier l’impact de ces modifications législatives, revenons sur le dispositif attractif de l’article 163 bis G du CGI.

 

 

Que sont concrètement les BSPCE ?

 

Les BSPCE sont des bons, attribués gratuitement ou non (attention au risque social potentiel en cas de gratuité), qui donnent droit au bénéficiaire de souscrire (sous conditions ou non), au cours d’une période déterminée, à des actions dont le prix est fixé lors de l’attribution desdits BSPCE.

Ainsi, si les conditions éventuellement prévues selon le calendrier fixé par le contrat d’émission sont réalisées, le prix de souscription déterminé lors de l’émission est versé au moment de l’exercice desdits bons, qui sont alors convertis en actions.

Autrement dit, ce mécanisme permet à terme, l’entrée ou la montée au capital d’associés (limitativement désignés par la loi, comme précisé ci-après) à un prix fixé au jour de l’attribution des bons.

Ainsi, pour les sociétés en forte croissance, les bénéficiaires des BSCPE vont pouvoir profiter pleinement de la valorisation croissante et d’une plus-value à terme en souscrivant au jour de l’exercice de leurs BSPCE des actions de la société à un prix (sensiblement) inférieur à celui correspondant à la valeur réelle de la société.

 

 

Quelles entreprises peuvent attribuer des BSPCE ?

 

Seules les sociétés par actions (SA, SCA et SAS) répondant aux conditions cumulatives suivantes peuvent émettre des BSPCE :

a) être passibles en France de l’impôt sur les sociétés (sous réserve du tempérament visé par l’article 163 bis G III bis nouveau) [3] ;

b) le cas échéant, leur capitalisation boursière doit être inférieure à 150 millions d’euros (étant néanmoins précisé que l’attribution de bons est encore possible pendant trois ans suivant la date du dépassement de ce seuil) ;

c) avoir été immatriculées au RCS depuis moins de 15 ans ;

d) pour les sociétés créées dans le cadre d’une concentration, d’une restructuration, d’une extension ou d’une reprise d’activités préexistantes, toutes les sociétés prenant part à l’opération doivent respecter les conditions requises pour pouvoir émettre des BSPCE, étant précisé que la condition tenant à l’âge (mois de 15 ans) de la ou des sociétés issues de l’opération est apprécié en tenant compte de l’âge de la plus ancienne des sociétés ayant pris part à l’opération. Par ailleurs, le respect de la capitalisation boursière inférieure à 150 millions d’euros (cf. b) à la suite de l’opération est apprécié en faisant masse de la capitalisation de l’ensemble des sociétés issues de l’opération ;

e) Le capital doit être détenu, directement et de manière continue, pour 25 % au moins par des personnes physiques ou par des personnes morales elles-mêmes directement détenues pour 75 % au moins de leur capital par des personnes physiques, dans les conditions fixées par l’article 163 bis G du CGI.

 

En cas d’attribution de BSCPE par une société-mère au profit de bénéficiaires exerçant dans l’une de ses filiales dont elle détient au moins 75 % du capital ou des droits de vote, cette dernière doit répondre aux critères ci-dessus visés de a) à d).

 

 

Qui peut bénéficier de BSPCE ?

 

Tout membre du personnel salarié, tout dirigeant soumis au régime fiscal des salariés et, depuis la loi PACTE, tout membre du conseil d’administration, du conseil de surveillance et, en ce qui concerne les sociétés par actions simplifiées, tout membre de l’organe statutaire équivalent de la société qui attribue les BSPCE ou de sa filiale détenue à 75%, peut en bénéficier.

En 2019, le législateur s’est adapté aux attentes du marché, en permettant désormais aux membres des organes de direction et de surveillance, et notamment de SAS, fortement impliqués dans la direction des sociétés, de bénéficier de BSPCE.

Jusqu’alors, pour intéresser ces personnes exclues du dispositif des BSPCE, les sociétés leur octroyaient parfois des Bons de Souscriptions d’Action (BSA), ce qui permettait de palier partiellement à cette exclusion d’un dispositif de participation au capital, sans toutefois bénéficier de l’avantage du régime fiscal et social des BSPCE. Il est fort à parier qu’une baisse des attributions de BSA devrait être rapidement constatée.

 

 

Comment sont attribués et exercés les BSPCE ?

 

Sous réserve de respecter les conditions susvisées, une société pourra émettre des BSPCE en respectant la procédure classique d’émission de valeurs mobilières donnant accès au capital (L.228-91 et L.228-92 du code de commerce), en obtenant l’autorisation de l’émission de BSPCE par son assemblée générale extraordinaire ou la collectivités des associés, décidée sur le rapport du conseil d’administration ou du conseil de surveillance pour les SA, du gérant pour les SCA, ou du Président ou de l’organe statutaire équivalent pour les SAS, et le cas échéant sur le rapport spécial du commissaire aux comptes de la société.

Naturellement, les dirigeants devront s’assurer au préalable que les conditions d’autorisation ou de veto éventuellement prévues dans un pacte extra-statutaire sont respectées.

L’assemblée générale ou la collectivité des associés peut alors :

  • décider directement de l’attribution des BSPCE, ou
  • déléguer à l’organe compétent le soin de fixer le nom des attributaires, le nombre de titres attribués à chacun et le cas échéant, le prix d’acquisition des titres souscrits via l’exercice des BSPCE.

Dans ce second cas, les BSPCE devront être émis dans un délai de dix-huit mois à compter de cette autorisation.

 

Dans tous les cas :

  • l’assemblée doit fixer le délai pendant lequel les bons peuvent être exercés ;
  • l’assemblée doit se prononcer sur le nombre maximum d’actions pouvant être émises sur exercice des bons ainsi attribués, afin de déterminer quelle portion du capital les bénéficiaires seront, le cas échéant, appelés à détenir ;
  • le prix d’acquisition du titre souscrit en exercice du bon est fixé au jour de l’attribution par l’assemblée générale ou la collectivité des associés, ou de l’organe auquel ce pouvoir a été délégué.

 

Ce prix d’acquisition doit être au moins égal, lorsque la société émettrice a procédé dans les six mois précédant l’attribution des bons à une augmentation de capital par émission de titres conférant des droits équivalents à ceux résultant de l’exercice du bon, au prix d’émission des titres concernés alors fixé.

 

Depuis la loi Pacte, il est prévu que ce prix peut cependant être diminué d’une décote correspondant à la perte de valeur du prix économique du titre depuis cette émission (article 163 bis G III du CGI).

Le législateur a donc souhaité adapter la législation à certaines situations concrètes, afin de ne pas sanctionner certains bénéficiaires potentiels.

 

De surcroît, en application de la loi de finances pour 2020, l’article 163 bis G III du CGI précise que si les droits des titres résultant de l’exercice du bon ne sont pas au moins équivalents à ceux des titres émis lors de la dernière augmentation de capital intervenue dans le délai de 6 mois, la détermination du prix d’acquisition du titre souscrit en exercice du bon par rapport au prix d’émission peut être diminué d’une décote correspondant à cette différence.

 

Cet ajout vise précisément à tenir compte de la situation différenciée des salariés et des investisseurs qui ne disposent pas des mêmes droits tant financiers que politiques dans la société émettrice. Dans ce cas, les salariés pourront (sur proposition des dirigeants) bénéficier d’une décote sur le prix d’exercice des BSPCE, même si l’attribution intervient dans les six mois de l’entrée au capital ou du renforcement de son investissement par un investisseur. A n’en pas douter, cette possibilité sera fortement encadrée dans le pacte extra-statutaire négocié lors de la levée de fonds.

L’attribution des BSCPE est constatée par le procès-verbal de l’assemblée générale extraordinaire ou des décisions de la collectivité des associés, ou en cas de délégation, par l’organe compétent.

En pratique, elle donne lieu à une lettre d’attribution, à laquelle est jointe le contrat d’émission de BSPCE.

La souscription et l’exercice des BSPCE donnent chacun lieu généralement à l’établissement d’un bulletin de souscription, auquel est joint le cas échéant le montant de la souscription des BSCPE et lors de l’exercice desdits BSPCE, le prix de la souscription des actions auxquelles ils donnent lieu.

 

 

Le régime de faveur des BSPCE

 

Outre l’avantage du prix de souscription des actions, les BSPCE bénéficient d’un régime fiscal et social particulièrement attractif.

  • Pour la société émettrice: L’émission de BSPCE n’entraine aucune cotisation ou contribution sociale sur les salaires, sous réserve de respecter l’ensemble des conditions du dispositif légal des BSPCE, et notamment en termes d’obligations déclaratives.

 

  • Pour le bénéficiaire : Pour bénéficier pleinement du régime fiscal et social des BSPCE, le bénéficiaire doit justifier d’une ancienneté d’au moins trois ans à la date de la cession en tant que salarié ou mandataire de la société dans laquelle il a bénéficié des bons, et le cas échéant de sa filiale et/ou de la société-mère.

Dans ce cas, le gain net réalisé par le bénéficiaire lors de la cession des titres souscrits en exercice des bons est soumis au prélèvement forfaitaire unique de 12,8 %, sauf option pour l’application du barème de droit commun de l’impôt sur le revenu (sans abattement pour durée de détention), auquel s’ajouteront les prélèvements sociaux au taux actuel de 17,2 %.

Si les conditions prévues par l’article 163 bis G ne sont pas réunies, les gains nets réalisés lors de la cession des titres souscrits en exercice des bons constituent un complément de salaire soumis à l’impôt sur le revenu selon les règles des traitements et salaires, compris dans l’assiette des cotisations de sécurité sociale et dans celle des taxes et participations assises sur les salaires.

En pratique enfin, il est souvent prévu que le bénéficiaire des BSPCE devra adhérer lors de l’exercice de ses bons à un pacte extra-statutaire.

 

 

Les ajustements de 2019 et la crise sanitaire liée au COVID-19 ne manqueront pas de dynamiser l’utilisation des BSPCE en 2020 et il n’est donc pas inutile de rappeler que la complexité de cet outil d’intéressement capitalistique des salariés, dirigeants et mandataires, nécessite un accompagnement adapté de professionnels du droit rompus à ce processus, afin de garantir aux bénéficiaires et à la société, le bénéfice de son régime spécifique et attractif.

 

 

Par AGIL’IT – Pôle Corporate – M&A – Private Equity

Mathieu SIRAGA, Avocat associé – Pôle Droit des sociétés – Private Equity – M&A

Séverine KOULMANN-GOURONC, Avocate of Counsel – Pôle Droit des sociétés – Private Equity – M&A

 

 

[1] LOI n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises

[2] LOI n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020

[3] La loi de finances pour 2020 (article 11) permet l’attribution de BSCPE à des bénéficiaires installés en France, salariés, dirigeants ou mandataires de sociétés dont le siège est établi dans un Etat membre de l’Union européenne ou dans un Etat ou territoire ayant conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l’évasion fiscale. Dans ce cas, la condition de soumission à l’impôt sur les sociétés de la société est réputée remplie si elle est passible dans l’Etat ou le territoire où se situe son siège social d’un impôt équivalent à l’impôt sur les sociétés.

Article 163 bis G III bis CGI : « Les I à III s’appliquent aux bons de souscription de parts de créateur d’entreprise attribués, dans les mêmes conditions, par une société dont le siège est établi dans un Etat membre de l’Union européenne ou dans un Etat ou territoire ayant conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l’évasion fiscale. »